Le taux du Livret A, " psychodrame semestriel " aux multiples enjeux

May 16, 2023
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« LE MONDE »

Le taux du Livret A pourrait dépasser 4 % le 1er août si la formule de calcul est appliquée normalement. Mais plusieurs acteurs, comme Eric Lombard, qui dirige la Caisse des dépôts, ou Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (qui représente les bailleurs sociaux), plaident pour qu’il reste fixé à 3 %. Un statu quo pour lequel militent aussi les banques.

De quoi scandaliser Jean-François Filliatre, membre de la commission consultative « épargnants » de l’Autorité des marchés financiers : « On assiste à un hold-up organisé du Livret A. Mais sur ce sujet, les autorités jouent sur du velours car personne ne défend les épargnants. » L’enjeu n’est pour eux pas anodin. Sur un an, une hausse de 1 point de la rémunération génère un surcroît de plus de 5 milliards d’euros d’intérêts. Fin mars, 535 milliards d’euros étaient en effet placés sur ce produit et son faux jumeau, le Livret de développement durable et solidaire.

Les épargnants sont d’ailleurs très sensibles aux hausses de taux – à la faveur de trois relèvements successifs de la rémunération (de 0,5 % à 1 %, 2 %, puis 3 %), les deux livrets ont collecté 55 milliards d’euros depuis début 2022. Dans la dernière enquête annuelle « Les Français, l’épargne et la retraite » (avril 2023) du centre de réflexion Le Cercle de l’épargne, ils placent désormais le Livret A largement en tête des placements les plus intéressants et les plus efficaces contre l’inflation.

L'évolution du taux du Livret A depuis 2013 Les intérêts ne sont soumis ni à l'impôt ni aux prélèvements sociaux

Théoriquement, la fixation du taux est avant tout technique puisqu’il y a… une formule de calcul. Sa version actuelle, élaborée en 2018 et appliquée pour la première fois début 2020, dit que le taux, recalculé au moins tous les six mois, reflète pour moitié l’inflation, pour moitié les taux d’intérêt de court terme.

Il n’empêche que, cette fois encore, le sujet est sensible. « Pour dépolitiser l’affaire et éviter le psychodrame semestriel, il faudrait que l’application de la formule soit automatique, ce n’est pas le cas », note Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne.

Chaque semestre, la Banque de France applique la formule, le 15 du mois précédant la révision, et transmet le résultat au Trésor, qui doit publier le nouveau taux au Journal officiel. Sauf si le gouverneur estime que des circonstances exceptionnelles justifient de déroger au calcul. Dans ce cas, il propose au ministre de l’économie un autre taux et le laisse trancher. « Mais le gouverneur et Bercy sont des alliés objectifs sur ce dossier, ils ont un intérêt commun : que le taux ne monte pas trop », juge M. Filliatre.

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Source: Le Monde