Fonds Marianne : la laborieuse défense de Christian Gravel face aux sénateurs

May 16, 2023
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Le préfet Christian Gravel, chef du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, lors d’une conférence de presse avec le nouveau chef de la Miviludes, à Paris, le 1ᵉʳ février 2023. EMMANUEL DUNAND / AFP

« On part d’une opération qui arrive par la ministre Schiappa, on termine avec un signalement contre l’opération en question. Comment vivez-vous cela ? » Le verbe du président de la commission des finances du Sénat, Claude Raynal (Parti socialiste, Haute-Garonne), reste posé, mais traduit un certain agacement.

Il est 17 heures, mardi 16 mai, et la commission d’enquête sur la gestion du fonds Marianne, lancé par Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la citoyenneté, à la suite de l’assassinat terroriste, en octobre 2020, d’un professeur d’histoire-géographie, Samuel Paty, entend depuis plus de deux heures le préfet Christian Gravel, patron du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).

C’est sous son égide qu’ont été attribués, en 2021, les 2,5 millions d’euros du fonds Marianne – un label de communication en réalité, puisque l’argent est prélevé sur la manne du fonds interministériel de prévention de la délinquance – destinés à financer des actions de prévention de la radicalisation en ligne, notamment en développant un « contre-discours ». Un projet confié à des associations, dont le « capital confiance » est plus élevé que celui de l’Etat sur le jeune public ciblé, explique M. Gravel, qui insiste sur « l’expérimentation d’un champ nouveau », au point d’ailleurs que seules 73 associations ont candidaté, dont une bonne partie était déjà connue, et financée, par le CIPDR ou d’autres instances de l’Etat.

Un certain nombre de « dysfonctionnements »

Si Christian Gravel insiste sur un « bilan global positif », il reconnaît un certain nombre de « dysfonctionnements », révélés par les enquêtes de l’hebdomadaire Marianne et de France Télévisions le 29 mars. A commencer par l’aspect discrétionnaire du choix des associations, décidé dans un laps de temps très court : le projet est évoqué lors d’une réunion le 13 avril 2021 et officiellement annoncé le 20 avril par Marlène Schiappa.

Entre-temps, celle-ci a déjà prévenu quelques acteurs de cette occasion, dont l’essayiste Mohamed Sifaoui, qui téléphone directement à M. Gravel pour lui faire part de son intérêt. Son association, l’Union fédérative des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM) touchera la plus grosse somme des 17 structures retenues par le comité de sélection, composé de trois membres du cabinet de la ministre et de trois salariés du CIPDR : 355 000 euros, pour un projet détaillé dans un document de six pages, que le comité a omis de remettre à la commission d’enquête.

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Source: Le Monde