Cannes 2023 : Kore-eda ouvre brillamment la compétition, Corsini rate son " Retour "

May 18, 2023
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La compétition s’est ouverte, mercredi 17 mai, avec l’entrée en lice d’un poids lourd et sérieux prétendant à la Palme d’or. Déjà récompensé en 2018 pour Une affaire de famille, le Japonais Hirokazu Kore-eda avait quitté ensuite les rivages de l’Archipel pour expérimenter d’autres formes et d’autres pays. La France d’abord avec le peu convaincant La Vérité qui mettait en scène des retrouvailles entre une mère et sa fille et confrontait Catherine Deneuve et Juliette Binoche. La Corée ensuite avec Les Bonnes Étoiles, singulier et touchant road-movie autour de l’adoption, présenté ici même l’année dernière.

Le cinéaste revient cette fois au Japon et à plus de sobriété, avec ce drame se déroulant en milieu scolaire, baptisé Monster. On y retrouve toute la sensibilité du réalisateur à l’égard de l’enfance, qui nous avait tant touchés dans Nobody Knows, Tel père, tels fils ou Notre petite sœur, mais ici, avec un degré de maîtrise supplémentaire dans la construction et la mise en scène. Car qui sont ces monstres évoqués dans le titre du film ? Les professeurs de la petite école primaire de Johoku, dont l’un est accusé de brutaliser le jeune Minato ? Les parents d’élèves qui interviennent sans cesse dans l’éducation des enfants et les surprotègent ? Ou les enfants eux-mêmes qui ne supportent pas la différence ?

Le film, construit en trois temps, est raconté d’abord du point de vue de la mère de Minato, une veuve élevant seule son fils, puis du professeur incriminé Monsieur Hori et enfin de Minato lui-même. De ces pièces éparses, qui nous ramènent toutes au soir d’un incendie ravageant un immeuble de la ville, le réalisateur tire un drame délicat et virtuose dans lequel les apparences sont trompeuses et la vérité plus complexe que l’on ne croit.

Si le réalisateur japonais adapte, pour la première fois depuis longtemps, le scénario d’un autre, tout le film porte sa marque aussi bien dans sa façon de dépeindre la cruauté de l’enfance ou de dénoncer les rigidités de la société japonaise. On pourra sans doute lui reprocher de ne guère se renouveler, mais Monster, ponctué par la belle partition du regretté compositeur Ryuichi Sakamoto, atteint ici un rare degré de perfection.

Catherine Corsini rate son « Retour »

La différence est également au cœur du Retour de la réalisatrice française Catherine Corsini, qui deux après La Fracture, revient en compétition avec un film entouré, avant même sa projection, d’un parfum de controverse en raison d’incidents ayant émaillé le tournage et de signalements d’agressions sexuelles. Par ailleurs, une scène explicitement sexuelle, impliquant une des actrices mineures, n’aurait pas été signalée aux autorités, et a valu à la productrice de se voir privée des aides publiques. Cette dernière, Elisabeth Perez, a d’ailleurs dénoncé mercredi 17 mai un « acharnement » contre la cinéaste.

Volonté d’apaisement ? La scène litigieuse semble avoir été coupée avant la présentation cannoise du film. Celui-ci met en scène une assistante maternelle noire (Aïssatou Diallo Sagna, l’aide-soignante de La Fracture) qui va passer l’été en Corse pour s’occuper des enfants de la famille pour laquelle elle travaille à Paris et emmène avec elle ses deux filles. Une île qu’elle a quittée brutalement quinze ans plus tôt dans des circonstances dramatiques. Ce retour va raviver des souvenirs douloureux et révéler des secrets menaçant leurs relations.

Racisme, mépris social, émois homosexuels, complexe de transfuge de classe : la réalisatrice a voulu trop en mettre dans un film qui se veut politique mais finit par caricaturer son sujet et agace plus qu’il ne touche. La relation complexe entre la mère et ses filles, la difficulté de se sentir étranger dans une île pétrie de traditions et de rejet de l’autre auraient suffi à cette histoire sans y ajouter tout un contexte bien-pensant qui alourdit considérablement le film et va à l’encontre de l’objectif recherché.

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Source: La Croix