Et si le G7 lançait un " Otan économique " contre la Chine ?

May 18, 2023
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Par Yann Rousseau

Publié le 18 mai 2023 à 9:30

C'est la panique à Tokyo en cette fin d'année 2010. A la suite d'une poussée des tensions géopolitiques entre Tokyo et Pékin autour d'îlots contestés en mer de Chine orientale, les grandes entreprises japonaises apprennent qu'elles vont soudain être privées des terres rares chinoises indispensables pour fabriquer leurs batteries, leurs composants de smartphones, leurs semi-conducteurs et leurs systèmes de guidage de missiles.

A l'époque, 90 % des terres rares utilisées au Japon proviennent de Chine. « Au Japon, cette action a constitué une énorme piqûre de rappel sur les vulnérabilités de son économie », rappelle Shihoko Goto, une analyste du Wilson Center. « Et il y a eu depuis un recours de plus en plus important à cette stratégie chinoise de coercition économique contre le Japon et les pays voisins », remarque Akira Igata, un expert de l'Université de Tokyo.

Plusieurs pays punis

En 2017, Pékin, agacé par le déploiement de nouveaux systèmes militaires américains par Séoul, a gelé les voyages de ses touristes vers la péninsule, et poussé le distributeur sud-coréen Lotte à fermer ses dizaines de grands magasins dans les villes chinoises. En 2020, le pouvoir chinois, agacé par Canberra, a orchestré, par des boycotts ou des hausses de droits de douane, un effondrement des importations de coton, de vin, de charbon ou encore de boeuf australiens. Depuis 2021, ce sont les entreprises lituaniennes qui sont dans le collimateur, après l'ouverture d'un bureau de représentation de Taïwan à Vilnius.

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« Entre 2020 et 2022, la Chine a organisé 73 actions de coercition », recense, dans sa dernière étude, l'Australia Strategic Policy Institute (Aspi). « Le nombre de recours à cette tactique de coercition est très supérieur à ce qu'il était il y a dix ou même cinq ans », remarque l'institut qui suggère une réponse coordonnée à ces boycotts, hausses des taxes, arrestations arbitraires d'expatriés ou autres restrictions commerciales.

« Militarisation de l'économie »

Ce week-end, au sommet du G7 à Hiroshima, la réponse à cette coercition économique chinoise doit occuper une importante partie des échanges entre les dirigeants du Japon, des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni, du Canada, de l'Italie et de l'Allemagne. Les nations invitées à la réunion, particulièrement la Corée du Sud et l'Australie, devraient aussi participer aux débats.

« Il s'agirait de concevoir, à terme, un système de sécurité économique collectif pour répondre à ce genre de militarisation de l'économie », explique Shihoko Goto. « Il serait possible d'avoir une approche similaire à l'article 5 de l'Otan, qui spécifierait qu'une attaque économique contre un pays équivaut à une attaque contre tous les pays partageant les mêmes valeurs », suggère l'analyste.

L'Aspi propose, lui, une structure multinationale de surveillance contre cette coercition, des représailles communes rapides contre le pays harceleur, une solidarité entre nations pour compenser des pertes commerciales ou un nouvel effort de diversification des chaînes d'approvisionnement.

Des divisions internes

Si toutes les nations du G7 reconnaissent ce besoin de renforcer leur sécurité économique et de réduire leur dépendance à certaines grandes puissances, tous les gouvernements, notamment en Europe, ne sont pas encore prêts à condamner frontalement les pratiques de Pékin. « Ce n'est pas un G7 antichinois, mais un G7 avec un message positif sur la régulation du système international », insiste-t-on à l'Elysée.

A l'issue du sommet d'Hiroshima, le communiqué final du G7 ne devrait ainsi pas mentionner directement la Chine. Sous la pression du Premier ministre japonais, Fumio Kishida, et du président américain, Joe Biden, un texte, distinct du communiqué du sommet, devrait toutefois appeler la communauté internationale à « dissuader et à répondre collectivement » à la coercition économique.

Source: Les Échos