La Chine renforce son empreinte en Asie centrale

May 18, 2023
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Par Frédéric Schaeffer

Publié le 18 mai 2023 à 7:30

La Chine relance son opération de charme à destination des pays d'Asie centrale, comblant un vide laissé par la Russie, puissance régionale traditionnelle affaiblie par les sanctions liées à la guerre en Ukraine. Xi Jinping tient jeudi et vendredi un sommet inédit avec les dirigeants de cinq ex-républiques soviétiques (Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan), une initiative coïncidant avec le sommet des dirigeants du G7 à Hiroshima, au Japon, à partir de vendredi. Le président chinois n'a pas choisi le lieu par hasard : les dirigeants se rencontreront à Xi'an (centre), ancienne extrémité orientale de la Route de la Soie.

Salué par Pékin comme « le premier événement diplomatique majeur que la Chine accueille cette année », ce sommet intervient au moment où la deuxième puissance économique mondiale entend relancer son initiative des « nouvelles routes de la soie », dont l'image a été ternie ces dernières années par des interrogations sur le financement. L'Asie centrale joue un rôle essentiel dans ce gigantesque projet d'infrastructures que Xi Jinping a évoqué la première fois à l'automne 2013 au Kazakhstan.

La Chine affirme que son commerce avec le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan a atteint l'an passé les 70 milliards de dollars (64 milliards d'euros) et grimpé sur un an de 22 % lors du premier trimestre 2023. Le sommet devrait être l'occasion de faire avancer certains projets, comme la ligne ferroviaire Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan, longtemps au point mort et d'un coût de six milliards de dollars, ou encore l'extension de l'oléoduc entre l'Asie centrale et la Chine.

Economie et sécurité

Les enjeux sont loin de se limiter au seul champ économique et énergétique. Intervenant en plein conflit ukrainien, Pékin entend profiter de ce sommet pour se présenter comme un partenaire de sécurité fiable dans une région qui s'appuie traditionnellement sur les garanties de sécurité russes. Pékin a longtemps considéré l'Asie centrale comme une frontière essentielle pour l'expansion commerciale et la sécurité énergétique du pays, ainsi que pour la stabilité du Xinjiang, la région de l'extrême ouest où la répression des musulmans ouïghours a crispé les capitales d'Asie centrale et contribué à y alimenter un sentiment antichinois.

Les préoccupations de sécurité et le contrôle des frontières ont longtemps dominé et continuent d'occuper une place primordiale dans la politique de la Chine à l'égard de l'Asie centrale. Pékin considère que le développement et la coopération économique à l'égard des pays voisins sont aussi des gages de sécurité et de stabilité.

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La volonté de la Chine de jouer un rôle clé dans la région n'est pas nouvelle. Dans la foulée de la fin de l'intervention soviétique en Afghanistan, Pékin a constitué le « groupe de Shanghai » en 1996, transformé en Organisation de coopération de Shanghai (OCS) en 2001. Ouverte à tous les pays de la région et jouant un rôle croissant, l'OCS est présentée par Pékin comme le modèle opposé aux alliances établies par les Américains en Europe (OTAN) ou en Asie Pacifique. En septembre, Xi Jinping a surpris les observateurs en se rendant au Kazakhstan et en Ouzbékistan lors de son premier voyage à l'étranger depuis les premiers jours de la pandémie de Covid-19.

Cette influence croissante de Pékin suscite toutefois des oppositions. En 2019, des manifestations antichinoises avaient éclaté au Kazakhstan, nourries par le sentiment d'une partie de la population que l'emprise chinoise était devenue trop forte. La semaine dernière, le Kirghizistan a démenti vouloir transférer le contrôle de la plus grande mine de fer du pays à la Chine, afin de rembourser son importante dette détenue par Pékin. La Chine, principal créancier du Kirghizistan, détient plus de 40 % de la dette extérieure kirghize, qui dépasse les 4 milliards de dollars, et finance d'importants projets des « nouvelles routes de la soie ».

Source: Les Échos