Comme l’Italie, le sud de la France risque des inondations meurtrières
Après la pluie, plus rien. Les précipitations dantesques qui se sont abattues cette semaine sur le nord de l’Italie ont, selon l'AFP, noyé la cuisine de Fred Osazuwa, habitant de Faenza, sous deux mètres d’eau, avant de tout embarquer en se retirant. Les inondations ont fait 14 morts en Emilie-Romagne, selon le dernier bilan des autorités italiennes. L’ampleur de la catastrophe n’est pas encore totalement mesurée, chiffrée. Mais à cette période de l’année, le phénomène interpelle.
Peut-on vivre des inondations du même genre en France ? « La réponse est oui, on l’a déjà vécu dans le passé. Ce qui est moins classique, c’est la saison », souligne le climatologue Christophe Cassou, interrogé par 20 Minutes. En effet, les gaves qui débordent, les pluies soudaines et abondantes, le pourtour méditerranéen connaît bien. « D’habitude, ça se passe plutôt au début de l’automne, après les mois d’été qui ont chauffé la Méditerranée », précise Guillaume Séchet, météorologiste et fondateur du site meteo-villes.com.
Le Languedoc, candidat idéal
Sauf que là, le printemps n’est même pas terminé. Mais cet hiver, la Méditerranée est restée chaude, indique le Monsieur météo de BFMTV, et a « agi comme un chaudron ». Et encore, dans le drame, l’Emilie-Romagne s’est évité un facteur aggravant : « En Italie, il n’y a pas eu de sécheresse, qui a plus touché l’Espagne et les régions méditerranéennes françaises ». « Il y a plus de ruissellements sur un sol sec », qui devient presque imperméable, explique Christophe Cassou, « même si ça n’est pas si simple ». Avec ses reliefs accidentés et son sol sec, le Languedoc fait donc figure de candidat à des inondations, même si « le plus gros facteur reste la quantité d’eau ». Or, de fortes pluies y sont attendues, avec le système dépressionnaire sur l’Italie qui se dilue.
« C’est un scénario auquel on s’attend dans un climat qui se réchauffe », poursuit l’auteur du Giec, décryptant une « intensification du cycle de l’eau » : « des épisodes plus secs et durables » l’été, accompagnés de « précipitations plus extrêmes », à un rythme « plus fréquent ». L’impact du changement climatique est « moins mesurable pour les inondations », nuance Guillaume Séchet, qui estime que l’épisode italien « se serait produit, mais avec un peu moins de pluie » sans cette Méditerranée « tropicalisée ». Le 15 juin 2010, près de 400 mm de pluies s’abattaient dans le Var, créant des crues éclair qui tuaient 23 personnes, rappelle-t-il. Un phénomène « exceptionnel », mais seulement « un avant-goût du climat des années 2040 », prédit Christophe Cassou.
« On a des progrès à faire sur le niveau d’alerte »
Le pourtour méditerranéen français a-t-il de quoi résister à de telles trombes d’eau ? « Probablement pas », diagnostique Guillaume Séchet. « De la fin de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1980, on a un peu fait n’importe quoi » et construit massivement dans des zones inondables, autant d’habitations « qu’on ne peut pas raser comme ça », précise-t-il. Revoir les plans d’urbanisme, relever les digues… autant d’éléments mobilisables pour « rendre la société la plus résiliente possible à un climat qui change », prêche Christophe Cassou.
Mais gare à la « maladaptation », en construisant un lotissement derrière une super-digue, qui sera un jour submergée à son tour. « Il faut s’adapter correctement avec des mesures transformatives et non palliatives », insiste l’auteur du Giec, qui vise dans un autre domaine les méga-bassines, « qui verrouillent l’agriculture dans un système dont on sait qu’il est vulnérable ». « On a des progrès à faire sur le niveau d’alerte, par des sirènes ou des SMS », imagine Guillaume Séchet. « Il y a encore du chemin à parcourir », soupire le météorologue.
Source: 20 Minutes