Matières premières : " La noix s’est noyée, tandis que ses rivales viennent casser l’ambiance "

May 20, 2023
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Des noix dans un supermarché, à Saintes (Charente-Maritime), le 23 octobre 2018. GEORGES GOBET / AFP

La noix sort son porte-voix. Plus précisément, à Paris, devant la gare Saint-Lazare, lundi 22 mai, à 10 heures. Parisiens, banlieusards et voyageurs de hasard sont invités à déguster le fruit à coque, livré frais et sans frais. Une distribution gratuite comme un signal d’alarme tiré, non pour arrêter les trains, mais pour accélérer la prise de conscience de la crise touchant cette production. Le syndicat agricole Coordination rurale a choisi de secouer le cocotier médiatique pour les possesseurs de noyers.

L’équilibre entre offre et demande fait et défait les marchés. La noix n’a pas réussi à glisser entre les doigts de cette dure loi. Or, en 2022, Dame Nature a répandu ses bienfaits sur les vergers français. Les noyers ont ployé sous le poids des branches chargées et les volumes récoltés se sont amoncelés.

La noix de Grenoble, qui se targue d’avoir décroché son appellation d’origine protégée en 1938, le dit de bonne foi. Jamais, au cours de son histoire, elle n’avait pesé autant sur la balance. Elle estime sa production à 17 000 tonnes, contre une moyenne annuelle de 12 300 tonnes. Même décor dans le Périgord. Résultat, la collecte française de noix pourrait avoisiner 50 000 tonnes, à comparer aux 35 000 tonnes habituelles.

La Chine écrase la concurrence

Pour les tenants d’une agriculture productive, cette récolte exceptionnelle pourrait sembler une bonne nouvelle. Sauf qu’au même moment, les consommateurs européens font la fine bouche. Avec la hausse des prix, les ventes sont en repli. Elles seraient en baisse de 20 %. De quoi déstabiliser le marché. Quand le rythme des casse-noix ralentit, le commerce du fruit vire au casse-tête. D’autant qu’au niveau mondial, les vergers de noyers ont fait tache d’huile.

Sans surprise, la Chine écrase la concurrence, avec une production de plus de 1,5 million de tonnes. Elle est suivie par les Etats-Unis, ou plutôt la Californie, où les nuciculteurs ont poussé comme des champignons. En Europe aussi, la noix a attisé la convoitise. La Roumanie a planté à tour de bras des vergers, espérant se faire des noisettes. Avec cet engouement, la production de noix a presque doublé en dix ans sur la planète, dépassant 3,6 millions de tonnes. En conséquence, la concurrence s’est exacerbée. Car ce fruit sec n’a pas peur de bourlinguer, même dans une coquille de noix. Et les cours ont pris l’eau.

La noix s’est noyée, crient les producteurs français. Même si la franquette de Grenoble joue la starlette à l’export, l’AOP de l’Isère s’écoulant pour moitié hors des frontières, les concurrentes californiennes ou chiliennes viennent casser l’ambiance. Selon la Coordination rurale, le prix payé aux producteurs français a chuté de manière vertigineuse sous la pression des importations, passant de 3 euros le kilo en 2022 à 50 centimes. Certains d’entre eux dénoncent le mauvais tour joué par la distribution, qui revend parfois le fruit à coque jusqu’à 8 euros le kilo. Des noix à prix cassés, mais des marges bien graissées…

Source: Le Monde