Entre peur et passion, la grande parade de la Semaine du Golfe a fait son show

May 20, 2023
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6 h 30. À bord de « Puyu Braz », first 25 de la flottille 5, celle des années 60-70, tout le monde dort. Depuis lundi, avec mon petit voilier, je partage le quotidien de la soixantaine d’équipages de la flottille. Les plus anciens, comme Gilles, qui aiment tant leur bateau qu’ils sont prêts à le donner plutôt qu’il pourrisse au fond d’un jardin. « Quand tu as du mal à rentrer dans ton duvet, il faut penser à la suite », m’a-t-il glissé. Les plus jeunes, comme l’équipage de « Félix », qui relèvent le défi de tout faire à la voile. Les plus exotiques, comme Éric qui, à bord de « Ming ming », œuvre pour diffuser la voile de jonque. Aux premiers rayons de soleil de ce samedi matin, ont-ils tous comme moi l’oreille dressée pour écouter le vent ? Depuis lundi, c’est notre préoccupation : sa force et sa direction pour que la grande parade ne soit pas la grande pagaille.

Des particuliers participent à une manœuvre sur la Nébuleuse. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

9 h. Derrière la capitainerie de Port-Navalo, tous les chefs de bord sont présents pour le dernier briefing d’Éric, notre capitaine de flottille, et d’Arnaud, son coéquipier. Le mail de l’organisation de la Semaine du golfe, avançant la grande parade à 15 h, nous a soulagés mais interroge aussi. À quel point la parade va-t-elle être pimentée ? « Bon, on y est », commence Éric. « Ils annoncent 12 nœuds établis de nord-est avec des rafales à 20. » Pile dans le nez, comme toute la semaine. La question que tout le monde se pose fuse : « On va tirer des bords ? » Imaginez des centaines de bateaux qui font des zigs et des zags dans un chenal où le courant flirte avec les quatre nœuds (plus de 7 km/h)… soit à peine moins que la vitesse des voiliers eux-mêmes. De quoi être pantois. « Oui, mais avec l’appui du moteur. Mais d’abord on va se poser à la plage pour pique-niquer », rassure Éric. « Les huîtres, c’est où aujourd’hui ? » lance un plaisantin. C’est vrai que la veille, la distribution de bourriches à Saint-Gildas était vraiment sympa… Tout le monde rigole. Allez, en piste !

Le Lys noir, vieux gréement de Vannes, parade fièrement. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

12 h 30. En deux heures et demie de navigation en baie de Quiberon, mon équipage franco-brésilien a commencé à se régaler les pupilles. La « Grande Hermine », le « Français », « l’Iris » passent à nos côtés. Plus loin, la quête arrière des mâts de la « Recouvrance » la rend facilement reconnaissable. « Je ne savais pas qu’il existait encore des bateaux comme ça », souffle Akin, jeune habitant de Salvador de Bahia. Il est servi. Alors que nous mouillons devant la plage de Kerver, l’horizon est poétique : blanc de voiles. Mais le vent, lui, ne pâlit pas. À la VHF, certains annoncent arrêter là. Parade et prudence ne font pas toujours bon ménage. Je doute.

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14 h. « Il va falloir y aller », annonce Éric sur le canal 15. Il répète les consignes : « On se regroupe devant la plage de Port-Navalo. La ligne sera entre le remorqueur « Buffle » et la tourelle Bagen Hir. On essaye de partir dans l’ordre, derrière le Lys Noir, le Skeaf et l’Alcore II. On reste groupés comme pour un départ de régate, mais ce n’est pas la bagarre ! Notre top est à 15 h 31. » Précis !

Une femme à l’avant du bateau donne des indications au capitaine du bateau pour éviter les autres embarcations. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

14 h 30. Punaise, mais c’est le périph’devant la plage de Port-Navalo ! On ne peut pas rater le « Buffle », mais il y a comme un essaim d’abeilles autour. Semi-rigides, vedettes, voiliers modernes nous rasent pour profiter du spectacle. Mais pour nous, c’est un sacré coup de pression. On peste, tout en collant aux basques des copains. « Allez, on vire, on vire ! » Puis trois minutes plus tard : « On vire, on vire ! » À force de surveiller nos parages, j’en ai oublié de garder un œil sur le « Buffle ». Le golfe nous aspire ! Nous sommes en train de passer la ligne avant même le départ !

15 h. Est-ce une histoire de passion ? Ça me fait le même coup à chaque fois. Même à la 12e édition qui est en fait la 11e : mes yeux perlent. C’est tellement beau.

15 h 31. C’est fou comme on respire moins bien quand on regarde partout ! Le « Lys noir » vire derrière le « Buffle ». Notre flottille aux coques colorées, rose Armagnac, violet Muscadet, bleu Sauvignon lui emboîte le pas, mêlée aux vernis du motonautisme. « C’est incroyable », savoure Ana, originaire de São Paulo. « Mais c’est aussi vous le spectacle, comme quand on regarde les JO à la télé ! » Le doyen de la flottille, Michel de « Nuka », nous le dit souvent : le vrai plaisir de la Semaine du golfe, c’est le partage. Pari gagné alors, je crois…

L’Hydrograaf, bateau emblématique de la Semaine du golfe, était aussi de la fête ce samedi. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

16 h 30. Après une demi-heure, face au courant, près du petit Creizic à regarder passer les autres, « Puyu Braz » met cap sur Le Bono. « C’était superbe », m’assure Arnaud, arrivé, lui, à l’Île-aux-Moines. La peur s’est évaporée. Quel pied ! Parés pour 2025 ?

Source: Le Télégramme