Notre essai du démoniaque Ford Ranger Raptor 3.0 V6 bi-turbo 292 ch

May 21, 2023
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A moins d'en avoir vraiment besoin, un énorme pick-up de 292 ch, ça n'a vraiment rien de raisonnable par les temps qui courent ! Mais doté de ce 3.0 V6 bi-turbo essence à la voix de stentor, il en devient presque sympathique, voir drôle…enfin pour ceux qui ont de l'humour.

Un engin de 5,36 m et plus de deux mètres de large, doté d'une benne immense, et capable d'accepter une charge utile de près d'une tonne : voilà la description des pick-up, de vraies bêtes de somme dont les visées utilitaires ne font aucun doute. D'ailleurs, ces engins-là, on ne les croise que très rarement en ville, et quand c'est le cas ils sortent en général d'un chantier, les roues maculées de boue. Ce genre de chose, le Ford Ranger Raptor est bien sûr aussi capable de le faire, avec même une benne offrant toujours une longueur de chargement de 1,54 m, mais élargie à 1,22 m histoire de muscler un peu sa ligne.

Un Ranger sportif

Car le Raptor est bien une version "sportive" du Ranger, et nous allons voir que les guillemets ont ici leur importance. Voies franchement élargies surlignées d'élargisseurs d'ailes, calandre hypertrophiée barrée d'un énorme FORD courant d'un phare à l'autre, et énormes roues de 285/70 R 17, ce Raptor est effectivement bien plus spectaculaire qu'un Ranger "normal". Sans oublier des marchepieds XXL, bien utiles pour accéder à bord du fait d'une garde au sol de 27 cm. De quoi passer partout dans les chemins, et accepter de traverser des gués jusque 85 cm. Sous cette ligne méchamment bodybuildée, impressionnante au point que tous les autres automobilistes deviennent très gentils, vous cédant la priorité même quand vous ne l'avez pas réglementairement, deux moteurs co-existent : un très sérieux 2.0 turbodiesel de 210 ch pour ceux qui sont encore un peu raisonnables, et ce 3.0 V6 bi-turbo essence pour ceux qui veulent rigoler, et ont encore une âme d'enfant.

Le son terrible du V6 bi-turbo valves ouvertes...

D'autant que Ford, dans le plus pur esprit Américain, l'a doté d'une touche à bonheur sur la branche droite du volant. Elle est facile à repérer, c'est celle où il est dessiné une sortie d'échappement ! Oui, il y a un échappement piloté sur ce pick-up un peu spécial, et il offre quatre modes : Silencieux pour les démarrages matinaux sans agacer les voisins, Normal pour…je me demande bien, Sport pour tous les jours avec une valve bien ouverte dans les deux sorties, et enfin Baja où tout est ouvert, mais avec une précision affichée immédiatement : usage interdit sur route ! Que fait un gamin quand quelque-chose est interdit ? Gagné…il essaie. Et vu les vocalises gutturales en diable, comment résister ?

Les suspensions FOX Racing du Ford Ranger Raptor lui permettent d'évoluer sereinement sur tous les terrains. © Ford

...à ne pas utiliser en ville

Bon, par respect pour les autres usagers – le son est encore plus fort dehors que dedans – on déconseille d'utiliser ce réglage en ville. Mais en campagne, ou le long de parois rocheuses, qui sera gêné ? En plus de sa voix rauque, chaude à dresser les poils sur les bras, ce 3.0 V6 bi-turbo lâche ses 292 ch et 491 Nm de couple dès 2 300 tr/mn avec une belle spontanéité, quasiment sans temps de réponse, hormis celui exigé par la douce boîte auto pour rétrograder et trouver le bon rapport parmi les 10 dont elle dispose. Du coup, malgré les 2 554 kg annoncés, ce Raptor détale comme un lapin dès qu'on agace la pédale de droite, laissant sur place bien des automobilistes ébahis par de telles relances.

Des suspensions optimisées, et pilotées...

Si ce Raptor conserve, comme le Ranger "normal", un pont arrière rigide, ce dernier a tout de même été franchement amélioré. Côté guidage d'abord, avec un parallélogramme de watt, et surtout côté suspension, avec ici des combinés ressorts/amortisseurs pilotés au lieu des lames de ressort, le tout en provenance du spécialiste FOX Racing. C'est bien mieux pour le guidage des roues, et surtout pour l'absorption des chocs, mais il a fallu en échange lâcher pas mal de capacité de chargement, limitée ici à 626 kg contre 992 kg pour la suspension plus rustique. Bon, vu les critères de choix assez orientés quand on opte pour ce Raptor, pas sûr que ce soit un réel problème. En tout cas, mode Normal ou Sport – à peine plus ferme - enclenché pour les suspensions, ce monstre s'avère capable, grâce à ses débattements géants, d'absorber avec une facilité étonnante les plus grosses déformations, que ce soit des trous, bosses, voire même les plus gros ralentisseurs…sur lesquels il n'aurait d'ailleurs même pas besoin de ralentir.

...mais qui peuvent être sèches

En revanche, comme toujours avec les ponts rigides conçus pour être indestructibles en tout-terrain, leur masse très élevée implique qu'ils rebondissent sur les petits défauts de la chaussée comme les raccords de bitume, bouches d'égout. Avec à la clé des réactions très sèches, façon coup de trique pour les occupants, qui peuvent être cinq dans ce double-cabine. Étonnant contraste typique des pick-ups, capables de moelleux comme de sècheresse côté suspensions ! Et qui secouent parfois sèchement le corps latéralement sur les routes mal revêtues à cause des grosses barres antiroulis, éléments indispensables pour éviter à ces engins hauts et très lourds de se retourner sur un coup de volant brusque (évitement). Si les suspensions de ce Raptor sont hétérogènes sur la route, elles assurent en revanche hors bitume où leurs grands débattements rendent les pires chemins bien moins déformés que l'œil ne les voit.

Des pneus pour la boue...

Dans ces conditions, les pneus BF Goodrich All Terrain, vraiment typés piste et très résistants aux cailloux, offrent une adhérence suffisante pour faire glisser avec progressivité ce grand gaillard, s'il y a de la place, et de préférence en n'oubliant pas son inertie importante. Sur la console centrale, la commande de la transmission permet de choisir 2H, soit propulsion rapports longs pour drifter un peu s'il y a de la place, 4A où le système choisit seul entre propulsion et quatre roues motrices, 4H pour les rapports longs sur les quatre roues, et 4L pour les rapports courts en cas de forte pente ou bourbier où les rapports courts sont nécessaires. Reste qu'avec ces gommes très typées, et malgré un châssis plus affûté que ce que proposent habituellement les pick-up, ce Raptor se comporte tout de même comme un sprinter en tong sur la route.

L'habitacle du Ford Ranger Raptor est bien équipé de série. © Ford

...qui n'aiment pas le bitume mouillé

Certes avec les quatre roues motrices il accélère assez fort, donnant l'impression que l'adhérence est plutôt bonne. Mais dès le premier virage un peu prononcé, les pneus avant hurlent à des vitesses inhabituellement modérées, et surtout glissent pour vous rappeler les lois de la physique. Il faut donc bien garder à l'esprit cela dès que l'itinéraire est un peu sinueux…et bien plus encore sur chaussée mouillée. Dans ce cas, les distances de freinage n'ont rien de commun avec ce que peut faire une voiture normale, tandis que l'adhérence devient vraiment très précaire en virage, au point d'être obligé de jouer la tortue dès que c'est un peu serré ou sur les ronds-points. Sinon, c'est Holiday On Ice garanti, avec perte du train avant comme de l'arrière, et des glisses vraiment amples qui peuvent surprendre, voire inquiéter. Ceci intégré, et admis, ce Raptor reste un jouet certes inutile, voir un peu décadent, mais qui donnera la banane à ceux l'ayant choisi pour ce qu'il est. Reste qu'il n'est pas donné puisqu'affiché à 70 440 €. Heureusement, malgré ses 315 g/km de CO2 et son poids très élevé, il échappe à un malus de 35 220 € grâce à une astuce d'homologation. Ouf, car côté consommation, difficile de descendre sous les 15 l/100 km, même avec le pied léger !

Source: L'Automobile Magazine