Centrafrique : un Français accusé d’espionnage évacué vers la France
A l’aéroport de Bangui, quand les derniers soldats français ont quitté le territoire de la République centrafricaine, le 15 décembre 2022. BARBARA DEBOUT / AFP
Un ancien militaire français arrêté en 2021 en République centrafricaine et accusé d’espionnage a été évacué vers Paris pour raisons de santé, a annoncé sa sœur, dimanche 21 mai. Juan Rémy Quignolot, 57 ans, avait passé seize mois en détention préventive à Bangui avant d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire en septembre 2022, l’accusation invoquant déjà des raisons de santé.
« Nous l’avons accueilli ce matin à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle », a annoncé sa sœur Caroline Quignolot par téléphone, confirmant une information du Parisien. « Il est parti le 18 mai de Bangui et a transité par le Gabon », dont le président, Ali Bongo Ondimba, a joué « le rôle de médiateur » entre Paris et Bangui, a-t-elle assuré. « Nous sommes immensément soulagés. Mon frère est très éprouvé physiquement et doit se reposer », a conclu Mme Quignolot.
M. Quignolot avait été arrêté le 10 mai 2021 à son domicile de Bangui. Des photos avaient immédiatement fuité dans les réseaux sociaux et la presse locale le montrant les mains liées dans le dos, un imposant arsenal militaire à ses pieds, saisi chez lui selon l’accusation. La France avait aussitôt dénoncé « une instrumentalisation manifeste » dont elle accusait implicitement la Russie.
Garde du corps pour plusieurs organisations centrafricaines
Les relations entre Bangui et Paris s’étaient profondément détériorées depuis 2018 et l’arrivée massive dans son ancienne colonie de mercenaires du groupe russe Wagner. Paris dénonce régulièrement des campagnes de désinformation alimentées depuis Moscou et nourrissant en Centrafrique le sentiment antifrançais. Et déplore l’emprise croissante de Wagner dans ce pays d’Afrique centrale parmi les plus pauvres du monde et qui peine à se relever d’une très longue et meurtrière guerre civile.
Un procès devant une cour criminelle de Bangui pour « espionnage » et « détention illégale d’armes et munitions de guerre » avait été audiencé puis ajourné plusieurs fois, M. Quignolot ne se présentant pas pour raisons de santé. Citant un rapport médical « faisant clairement ressortir » que « son état de santé ne cess[ait] de se dégrader » et « risqu[ait] d’être préjudiciable à la vie de l’accusé », le président de la chambre d’accusation de la cour d’appel, Laurent Ouambita, a « autorisé sa sortie du territoire national » dans une ordonnance datée du 17 mai dont l’Agence France-Presse (AFP) a obtenu une copie.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’emprise russe en République centrafricaine inquiète Paris Ajouter à vos sélections Ajouter à vos sélections Pour ajouter l’article à vos sélections
identifiez-vous S’inscrire gratuitement
Se connecter Vous possédez déjà un compte ?
Le juge précise que « l’accusé pourra se présenter devant la Cour criminelle (…) dès l’amélioration de son état de santé ». Il encourt les travaux forcés à perpétuité. M. Quignolot avait travaillé pour plusieurs organisations en Centrafrique comme garde du corps, selon des sources humanitaires. « Et fait un court passage dans l’armée française dans sa jeunesse », selon une source diplomatique. Ce père de quatre enfants est un « sergent de l’armée française à la retraite », assure le juge Ouambita dans son ordonnance.
« Un président qui est l’otage du Groupe Wagner »
La Centrafrique a été plongée en 2013 dans une nouvelle guerre civile très meurtrière qui a culminé en 2018. Par la suite, d’innombrables groupes armés se sont partagé les deux tiers du territoire et ses richesses minérales, notamment l’or et le diamant. En décembre 2020, les plus puissants, regroupés au sein de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), avaient lancé une offensive sur Bangui pour renverser le président Faustin Archange Touadéra.
Ce dernier avait appelé Moscou à la rescousse de son armée démunie, et des centaines de paramilitaires de Wagner avaient débarqué, en renfort de centaines déjà présents depuis 2018. C’est grâce à leur intervention que les groupes armés ont été repoussés de la plupart des territoires qu’ils contrôlaient. Ils mènent, depuis, des actions de guérilla. L’ONU et les ONG internationales accusent régulièrement les rebelles, ainsi que Wagner et les soldats centrafricains, de crimes contre les civils.
Le 30 mai 2021, le président français, Emmanuel Macron, avait fustigé « des mercenaires prédateurs russes au sommet de l’Etat avec un président Touadéra qui est aujourd’hui l’otage du Groupe Wagner ». Quelques jours après, Paris gelait son aide budgétaire. Et, le 15 décembre 2022, les derniers soldats français quittaient la Centrafrique après soixante-deux ans d’une forte présence militaire postcoloniale. Les relations se sont cependant timidement réchauffées récemment à la suite d’une rencontre entre MM. Macron et Touadéra à Libreville, au début de mars, sur « facilitation » du Gabon. L’ambassadeur centrafricain à Paris, Flavien Mbata, avait évoqué la volonté de son pays de « retisser les liens de confiance » avec la France.
Le Monde avec AFP
Source: Le Monde