Cannes 2023 : Michel Gondry, autoportrait d’un cinéaste en crise

May 21, 2023
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Le réalisateur français Michel Gondry, dont le film « Le Livre des solutions » est présenté au 76e festival de Cannes, à Cannes (Alpes-Maritimes), le 21 mai 2023. CHLOE SHARROCK / MYOP POUR « LE MONDE »

Où sont passés aujourd’hui les Géo Trouvetou de la mise en scène ? Les inventeurs du cinéma pour lesquels un film qui ne se bricole pas est perdu d’avance, ceux qui mettent les mains aux images comme à la pâte, sortent leurs petits laboratoires de plans qui fourmillent d’idées folles et rêveuses ?

Michel Gondry, éternel adolescent de 60 ans, incarne pour beaucoup ce spécimen de petit chimiste de génie découvert dans les années 1990 dans la voie alors effervescente du clip, avec des pastilles légendaires signées pour Björk (Human Behaviour), Daft Punk (Around the World) ou Neneh Cherry (Feel It).

Début 2000, il emprunte celle royale du long-métrage, dont la moisson rassemble, entre autres, un mélodrame mental devenu culte (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, 2004), une ode vibrante aux pastiches amateurs (Soyez sympa, rembobinez, 2008) ou un passage singulier par le blockbuster super-héroïque (The Green Hornet, 2011).

Le titre de son dernier long-métrage, Le Livre des solutions, qui sera présenté à la Quinzaine des cinéastes, lundi 22 mai, onze ans après The We and the I (2012), laisse imaginer un bréviaire ou un manuel de survie, qui pourrait fixer la définition de son cinéma bricoleur.

Michel Gondry évoque à son sujet un « tournage difficile ». « Je suis parti dans plein de directions en même temps, explique-t-il, quelques jours avant le Festival de Cannes, dans les locaux de sa société de production, à Paris, une période extrêmement créative et douloureuse en même temps. On a tourné sur les lieux de l’action, une maison dans les Cévennes en pleine nature. L’équipe réunie sur place m’a beaucoup aidé à sortir les choses de ma tête. »

Le film se présente comme un autoportrait du cinéaste en crise, avec Pierre Niney dans la peau de l’alter ego. « Ce qui est très pratique quand on fait un autoportrait, avance-t-il, c’est qu’on n’a pas besoin d’inventer des motivations ou des raisons : tout est là, on part de soi, il n’y a qu’à se souvenir. Et puis Pierre Niney n’avait pas à aller très loin pour comprendre son personnage, puisqu’il l’avait en face de lui ! On a toujours peur que ce soit jugé nombriliste ou narcissique, mais, après tout, certains ont écrit de très belles biographies. »

Coup de massue

Le Livre des solutions arrive huit ans après Microbe et Gasoil (2015), l’odyssée de deux enfants, qui restait les dernières nouvelles en date du cinéaste sur grand écran. « Je n’ai jamais arrêté d’essayer de faire des films entre-temps », plaide-t-il. « Des fois ça rate. Et les films, ça prend du temps. Sept ou huit ans d’attente, pour un réalisateur, c’est commun. C’est un peu démoralisant, parce que la durée d’une vie est divisible en nombre de films. Je me souviens de Godard qui disait : “il me reste encore sept ou huit films en moi”, et maintenant il n’est plus là. »

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Source: Le Monde