Cholet Basket, de la crise à une finale européenne : chronique d'un grand écart vertigineux

April 26, 2023
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C’était un Noël morose, certainement le pire de la vie de T.J. Campbell. Débarqué à Cholet le 23 décembre 2021, l’ancien meneur de Dijon et Nanterre a passé des tests médicaux le lendemain qui ont révélé qu’il était positif au Covid. Ainsi, l’odyssée jusqu’à une finale européenne a démarré dans le huis-clos désespérant d’une chambre d’hôtel. « C’était un peu déprimant », se souvient-il. « Dehors, la météo était froide et pluvieuse. J’arrive dans une nouvelle ville et je me retrouve enfermé, sans rien pouvoir faire, si ce n’est regarder la télévision. » Sa seule mission, une fois sorti de son confinement, était de sauver un club historique du basket français : Cholet Basket, englué dans une série de sept semaines sans victoire. L’ivresse de Trabzon semble alors bien loin. Et pourtant, c’est bien un deuxième titre continental que le natif de Phoenix a au bout des doigts ce mercredi avec CB. « On en a fait du chemin », souffle-t-il.

Jeudi 23 décembre 2021, les mines sont livides devant le vestiaire choletais du complexe sportif René-Tys à Reims. Le duel des relégables a tourné à l’avantage de Champagne Basket (80-89) et Cholet se retrouve seul dernier de Betclic ÉLITE, lesté du bonnet d’âne national pour Noël. « On en a reparlé avec le président il y a deux semaines », indique Laurent Vila. « Même si les résultats n’avaient pas forcément montré la marche en avant du club, nous avions atteint des objectifs que nous nous étions fixés, à savoir l’atmosphère au niveau de l’équipe et les bases mises au niveau de nos valeurs. » Pourtant, le club des Mauges ressemblait bien à un monument en péril et l’avenir de l’entraîneur catalan ne tenait plus qu’à un fil. « Ça s’est joué à pas grand chose mais des victoires sont arrivées au bon moment », admet Jérôme Mérignac, président depuis 2019. Comprenez que l’ancien technicien de l’Élan Béarnais aurait certainement pris la porte si Cholet n’avait pas battu Dijon le 27 décembre (85-76) ou Fos-sur-Mer (81-69), dans un autre match de la peur, le 28 janvier 2022. « C’était vraiment la tempête à l’époque », acquiesce le dirigeant, qui devait parallèlement gérer des problèmes politico-financiers avec les collectivités locales. « Mais personne n’a quitté le navire. J’avais quand même été obligé de convoquer une conférence de presse tant c’était compliqué. On a subi la pression mais on s’est laissé du temps, nous sommes restés soudés. Deux recrues, T.J. Campbell et O.D. Anosike, sont arrivées et nous avons décidé de donner la possibilité au staff de retravailler avec cette configuration. »

L’éloge de la continuité

Bien en a pris aux dirigeants choletais car depuis le cauchemar rémois, CB est tout simplement le troisième meilleur club français sur la période (32 victoires en saison régulière), derrière les deux mastodontes villeurbannais et monégasques. « Je ne connaissais pas cette statistique », démarre Laurent Vila, « mais il est clair que nous montons en puissance depuis l’année dernière. C’est la volonté du club d’être ambitieux, de se moderniser et de faire des efforts pour la performance sportive. Sur le parquet, nous avons des joueurs qui s’impliquent énormément. Il y a beaucoup de qualités humaines mises au service de l’équipe, ce qui fait que tout le monde se sent bien et a envie de contribuer au projet collectif. » Concrètement, l’impressionnante phase retour de CB la saison passée a donné lieu à une improbable remontada, jusqu’aux portes de la demi-finale des playoffs, avant une certaine continuité cet été avec les prolongations de trois joueurs clefs : T.J. Campbell, Dominic Artis et Boris Dallo. « On en a parlé ensemble cet été, on voulait tous revenir et terminer ce que l’on avait commencé », expose le meneur américain, au bilan individuel épatant (45v-21d). Une recette payante puisque Cholet livre sa meilleure saison depuis l’âge 2009/11. « Il y a une vraie alchimie collective entre nous », insiste Campbell. « Le staff technique a su trouver des joueurs complémentaires et la mayonnaise a rapidement prise ensuite. »

Désormais, il ne reste plus qu’à matérialiser les belles performances entrevues depuis un an et demi par une nouvelle ligne au palmarès, une obsession depuis quelques mois chez les Choletais. « Cela viendrait valider notre travail », approuve Laurent Vila. Dès la veille de la Leaders Cup, premier trophée en jeu cette saison, Boris Dallo tenait déjà ce discours. Le voyage à Saint-Chamond a été un fiasco (défaite 77-84 en quart de finale contre Le Mans) tandis que l’aventure Coupe de France fut plus réjouissante mais tout autant oubliable à terme (79-85 en quart face à l’ASVEL). Au milieu de tout cela, en plus d’un exercice abouti en Betclic ÉLITE (4e), il y eut la FIBA Europe Cup, longue aventure continentale auquel Cholet ne souhaitait pas forcément prendre part lors de l’intersaison dernière. À l’époque, fort de sa belle phase retour, le club du Maine-et-Loire visait l’EuroCup et fut scandalisé de voir les portes de la C2 se fermer devant lui, au profit de Bourg-en-Bresse et Paris, deux équipes non qualifiées pour les playoffs. « Ça reste, de mon point de vue, un manque de respect et une incompréhension par rapport à la lisibilité des décisions des instances », tempête Laurent Vila. Mais finalement, bon an mal an, CB s’est pris au jeu de la plus petite des Coupes d’Europe : son tour préliminaire piégeux à domicile (face au Besiktas en ouverture), ses voyages exotiques (11 heures de car pour rallier une salle digne d’un match de départementale du dimanche matin lors du premier déplacement de la saison en Belgique), et son gouffre économique potentiel, même si Jérôme Mérignac se refuse à dévoiler tout chiffre. « On savait qu’il y avait le risque d’une incidence financière, d’autant plus qu’on n’a pas pu proposer de prestations européennes à nos partenaires à cause de l’incertitude du tour qualificatif. Mais avec les phases finales à domicile, on va pouvoir compenser et récupérer un petit peu. »

« Une énorme ferveur », la Meilleraie remplie en deux minutes !

Car maintenant, loin de l’anonymat de la réception du CSM CSU Oradea (dont il faudra souligner la perspicacité du coach Cristian Achim qui pronostiquait en octobre CB parmi les trois favoris à la victoire finale et dans le Top 4 de Betclic ÉLITE !) devant une Meilleraie à moitié vide, « la ferveur est énorme » du propre aveu de Laurent Vila. La quête d’un ticket pour la finale a ressemblé à une ruée vers l’or : les 2 500 places disponibles se sont arrachées en deux minutes, le club affirme qu’il aurait pu remplir deux fois la Meilleraie ! « Alors que j’ai connu des matchs où j’étais seul en tribunes », rembobine Jérôme Mérignac dans un sourire, en écho à la saison 2020/21 majoritairement disputée à huis-clos. « C’est très cool de voir à quel point l’enthousiasme autour de nous gonfle match après match », renchérit T.J. Campbell. « Chaque semaine, on sent les supporters de plus en plus impliqués, de plus en plus excités. » De quoi promettre une soirée inoubliable ce mercredi, potentiellement la meilleure ambiance de l’histoire de la Meilleraie, avec la possibilité de vivre un titre de champion d’Europe à la maison. Et dire que Cholet craignait surtout l’année dernière de se retrouver contraint de croiser le fer avec Aix-Maurienne ou Saint-Vallier en ce printemps 2023… « C’est génial de vivre cela », savoure le président. « Vu d’où l’on vient, vu comment on en a bavé, on traverse des moments incroyablement forts en ce moment. Mais on tempère énormément la chose. On apprécie, on profite mais on est bien placé pour savoir à quel point ça peut bouger extrêmement vite. » Jérôme Mérignac aurait ainsi pu mentionner l’exemple Burgos, double vainqueur de la Champions League relégué en deuxième division espagnole. Mais ces histoires-là, d’un côté comme de l’autre, sont faites pour rester hors-normes…

Source: bebasket