En Biélorussie, Roman Protassevitch obtient sa grâce, après avoir collaboré avec le régime

May 22, 2023
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La nouvelle a de quoi surprendre tant elle intervient rapidement. Moins de trois semaines après sa condamnation à huit ans de prison, le journaliste d’opposition biélorusse Roman Protassevitch a bénéficié d’une grâce présidentielle, a annoncé lundi 22 mai l’agence officielle Belta. « Je viens de signer tous les documents attestant que j’ai été gracié. C’est bien sûr une excellente nouvelle », a déclaré le jeune homme, arrêté en mai 2021 après le détournement de son avion de ligne Ryanair reliant Athènes à Vilnius. Cette interception spectaculaire avait soulevé l’indignation internationale et déclenché de nouvelles sanctions occidentales contre cette ancienne république soviétique.

Roman Protassevitch, 28 ans, est le cofondateur de la chaîne Telegram Nexta, qui a joué un rôle clé dans les manifestations massives contre Alexandre Loukachenko après sa réélection contestée le 9 août 2020. Le mouvement de protestation, d’une ampleur inédite, a été brutalement réprimé.

Le journaliste, poursuivi pour plus de 1 500 crimes, avait été assigné à résidence jusqu’à son procès. Il a été condamné le 3 mai à huit ans de prison, notamment pour organisation d’émeutes de masse, préparation de troubles à l’ordre public et création ou direction d’un groupe extrémiste. Sa compagne au moment de son arrestation, Sofia Sapega, citoyenne russe, a quant à elle été condamnée à six ans de prison.

Une pratique qui rappelle celle du KGB

La grâce du journaliste n’est pourtant guère une surprise, selon l’analyste Artyom Shraibman. « Protassevitch a été très utile pour les autorités. Non seulement il a accepté de coopérer avec elles en donnant des interviews aux médias officiels, mais il a aussi discrédité les forces démocratiques et donné des renseignements sur d’autres personnes. D’après les défenseurs des droits humains qui suivent ce dossier, plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées à cause des informations qu’il a livrées. »

Après son arrestation, Roman Protassevitch avait en effet accepté de coopérer avec les enquêteurs et affirmé se repentir dans des vidéos diffusées par la télévision publique biélorusse, enregistrées « sous la contrainte », selon l’opposition. Depuis, il apparaissait régulièrement dans les médias officiels pour défendre publiquement la politique de Loukachenko. Une pratique qui rappelle celle du KGB sous l’URSS, où des dissidents étaient discrédités en les forçant à collaborer avec le régime soviétique. « Il a peut-être collaboré sous la pression, mais n’en est pas moins un témoin et collaborateur ayant apporté une aide précieuse au régime, ajoute Artyom Shraibman. Sa grâce est une récompense qui vise à encourager d’autres personnes à faire de même. Sinon, qui voudra coopérer et trahir ses proches ? »

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Source: Le Monde