Eric Dupond-Moretti demande l’avis du CSM sur la liberté de parole des magistrats

May 22, 2023
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Eric Dupond-Moretti, lors d’une réunion à La Maison des femmes, à Saint-Denis, près de Paris, le 22 mai 2023. THOMAS SAMSON / AFP-PH

Les magistrats auraient-ils la parole trop libre ? C’est ce que se demande, en substance, le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti. Dans un courrier daté du 2 mai, que Le Monde a pu consulter, le garde des sceaux sollicite l’avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur deux points, concernant l’expression publique des magistrats et sur le droit de grève. Quand le ministre de la justice demande un avis du CSM, ce dernier statue dans sa formation plénière, présidée par le premier président de la Cour de cassation – Christophe Soulard – et composée de six magistrats et des huit non-magistrats.

Le courrier de deux pages s’intéresse d’abord à l’utilisation des réseaux sociaux par certains magistrats qui « bouscule le traditionnel équilibre entre la liberté d’expression reconnue à chaque magistrat et l’obligation déontologique de réserve et de discrétion ». Mais le ministre va au-delà et vise l’expression des juges et procureurs « à l’occasion d’audiences solennelles, ou par le biais de l’expression syndicale ». Pour M. Dupond-Moretti, cela peut, « parfois, pour l’opinion publique, interroger le respect des obligations de réserve et de neutralité ainsi que des règles déontologiques, et donc nuire à l’image de la justice de manière générale ».

Ce sont donc les prises de position publiques partisanes que le ministre vise. Cependant, concernant le devoir de réserve, le CSM a estimé, en 2022, que cette « obligation ne saurait servir à réduire un magistrat au silence ou au conformisme ». Dès lors, une certaine liberté d’expression est acceptée, si cette dernière est dénuée d’outrance et ne permet pas de divulguer d’information secrète. Le ministre lui demande de définir clairement cette limite.

Une double demande piégeuse

L’autre point sur lequel s’interroge le garde des sceaux est l’exercice du droit de grève. En 2021, près de 1 000 magistrats s’étaient déclarés grévistes lors de la journée « Justice morte », et, en novembre 2022, les principaux syndicats de magistrats avaient également appelé à la grève. Or, leur statut (l’ordonnance du 22 décembre 1958) dispose qu’« est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ».

Pour de nombreux observateurs, y compris des syndicalistes, cette interdiction empêche les magistrats de faire grève. C’est, en tout cas, l’analyse du ministre, qui ajoute : « D’autres manières de marquer la contestation, comme le renvoi intégral d’audience au seul motif qu’il s’agit par cette décision juridictionnelle de marquer un désaccord sur un sujet donné, ne peuvent qu’interroger à la lecture de la disposition précitée. » Là aussi, Eric Dupond-Moretti demande au CSM de poser des limites claires à l’expression de la contestation.

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Source: Le Monde