Cannes 2023 : " Club Zéro ", Jessica Hausner à l’école de la jeunesse éternelle

May 23, 2023
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Miss Novak (Mia Wasikowska) dans « Club Zéro », de Jessica Hausner. COPRODUCTION OFFICE/FRED AMBROISINE

SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION

Au terme d’une semaine où les occasions de s’enthousiasmer n’auront pas été si nombreuses, on reprend, lundi 22 mai, les yeux un peu lourds, le turbin cannois, qu’on n’a en vérité jamais interrompu. Divine surprise, les deux entrées du jour ravissent. Encore plus fort, et on y voit malice de la part du programmateur en chef, les deux films sont les plus enténébrés de la compétition et, en même temps, ceux qui donnent le plus envie d’y croire quand même.

On parle ici de la vie. C’est le symptôme « fond de la piscine ». On descend tout au fond, et on remonte à fond dans l’impulsion. A votre gauche, l’école finlandaise avec le divin poète Aki Kaurismäki (Les Feuilles mortes). A votre droite, l’école autrichienne, avec Jessica Hausner et son Club Zéro, que l’on considère ici même.

Compatriote de Michael Haneke et d’Ulrich Seidl – histoire de circonscrire un territoire esthétique qui se caractérise par le mélange du très chaud et du encore plus froid –, Jessica Hausner, 50 ans, n’en cultive pas moins sa touche personnelle. Autrice notamment de Lovely Rita (2001) et de Lourdes (2009), la cinéaste est familière du Festival de Cannes, où elle finit par entrer dans le saint des saints de la compétition en 2019 avec Little Joe, une œuvre de science-fiction qui évoque l’insidieuse prise du pouvoir sur l’espèce humaine, grâce à son parfum entêtant, d’une plante génétiquement modifiée. Monde exténué, humains zombifiés victimes de leur hubris, marche au bonheur qui menace de nous faire crever.

Tout est là, déjà, de ce qui compose Club Zéro. Soit une institution d’élite privée pour adolescents de la très haute bourgeoisie. On ne sait où, mais le mobilier est contemporain chic, cuir noir pleine fleur, villas angulaires, structures tubulaires, et l’on y parle anglais. L’essentiel n’est pas là, encore qu’un peu mon neveu quand même, parce que le propre du monde que nous décrit Jessica Hausner est de ne plus savoir où il en est. C’est dire s’il ressemble au nôtre. Il se partage ici entre adultes richissimes et à peu près déconnectés de la réalité et leurs propres enfants hyperprotégés qui, pensant refuser leur monde, en accomplissent la vocation ultime.

On s’explique. Sur proposition du conseil des parents d’élèves, qui la compte parmi ses relations, une nouvelle enseignante, mademoiselle Novak (Mia Wasikowska), spécialiste de « nutrition consciente », est accueillie à l’école. Cette jeune femme, d’une froideur doucereuse, prend insensiblement possession des esprits des jeunes à qui elle enseigne. D’autant plus facilement, suppose-t-on, qu’un lien affectif digne de ce nom est absent de leur foyer parental et que les motifs déclinés par l’enseignante trouvent un puissant écho dans les angoisses qui les tenaillent face aux dangers mortels menaçant la planète.

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Source: Le Monde