Métro et RER : Une nouvelle étude confirme la mauvaise qualité de l’air et la présence de métaux lourds

May 23, 2023
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Ce n’est pas nouveau, mais ça n’en est pas moins préoccupant. Depuis plusieurs années, la qualité de l’air dans les stations de métro et de RER de la région parisienne est pointée du doigt. Au mois d’avril dernier, une enquête a même été ouverte à ce sujet contre la RATP. . Présentée ce mardi à l’Académie du climat, une nouvelle étude dresse une cartographie de cette pollution à l’échelle du réseau francilien.

Pendant huit mois, les journalistes d’investigation de l’émission Vert de Rage, diffusée sur France 5, ont mesuré la concentration en particules PM2.5 sur les 435 quais des 332 stations des zones 1 et 2 des transports de la région. « Des prélèvements réalisés de 18 heures à 20 heures, du lundi au vendredi », précise le rapport.

Mardi 23 mai à l’Académie du Climat, découvrez les résultats de notre dernière enquête scientifique

Nous avons notamment mesuré

-la qualité de l’air des 435 quais des stations des zones1 et 2 de la Ratp

-les niveaux de métaux lourds dans l’air que nous respirons dans ces stations pic.twitter.com/LD65HB45x4 — Vert de Rage (@vert_de_rage_F5) May 15, 2023 L‘accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement En cliquant sur « J‘ACCEPTE », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires J‘ACCEPTE Et pour mieux rémunérer 20 Minutes, n'hésitez pas à accepter tous les cookies, même pour un jour uniquement, via notre bouton "J‘accepte pour aujourd‘hui" dans le bandeau ci-dessous. Plus d’informations sur la page Politique de gestion des cookies.

La concentration moyenne de particules fines deux fois supérieure aux recommandations de l’OMS

Ces PM2.5 (dont le diamètre est inférieur à 2.5 microns (μm)) ont la particularité de pouvoir s’infiltrer dans nos poumons, et certaines peuvent aller jusqu’aux alvéoles pulmonaires. Une exposition chronique contribue à augmenter le risque de contracter des maladies cardiovasculaires et respiratoires, ainsi que des cancers pulmonaires. Selon une étude de l’Observatoire régional de santé (ORS) Ile-de-France et Airparif, 6.220 décès étaient « attribuables à l’exposition prolongée aux particules fines PM2.5 » en 2019 en Île-de-France.

Et les chiffres dévoilés par Vert de Rage ne sont pas rassurants. En moyenne, la surpollution engendrée par le trafic de métro et du RER s’élève à 10,5 μg/m3, c’est « deux fois plus (5 μg/m3) que les recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) », alerte le rapport. Mais ces mesures ne montrent pas des résultats homogènes. Par exemple, la ligne 5 est celle qui a montré la surpollution moyenne « la plus importante du réseau avec 18 μg/m3, « soit 3,6 fois supérieure aux recommandations de ’'OMS ».

Au total, sur les 21 lignes que compte le réseau, 14 dépassent largement le niveau de recommandation de l’OMS, deux sont au niveau limite recommandé et cinq lignes sont en dessous de la référence (voir tableau).

Classement des lignes les plus sur-polluées de Paris. - Rapport Vert de Rage

Pour aller plus loin et connaître davantage la pollution trouvée dans le réseau, les initiateurs se sont attaqués à la composition de l’air pollué. Avec l’aide du toxicologue du laboratoire de toxicologie de l’Hôpital Lariboisière, Joël Poupon, ils ont déployé une nouvelle étude afin de mesurer les niveaux de métaux lourds. Ainsi, 55 personnes, dont 43 voyageurs et 12 conducteurs, volontaires, ont été équipés d’un filtre à nez, sur leur trajet habituel.

Une concentration de fer jusqu’à 20 fois celle mesurée à l’air libre

Pour les usagers, il s’agissait de porter ce petit dispositif pendant trente-six minutes à l’aller et 36 minutes au retour, « soit la durée moyenne des déplacements domicile-travail » explique Martin Boudot, journaliste pour Vert de Rage. Dans le même temps d’autres volontaires ont réalisés des trajets de durée équivalente à l’air libre, à vélo ou à pied, pour servir de valeurs témoins.

Et la conclusion du rapport est sans appel : « En moyenne, les teneurs en métaux lourds inhalées par les usagers de la RATP sont toutes supérieures à celles inhalées par des personnes n’ayant pas emprunté le métro et le RER. » Et pas qu’un peu, jusqu’à 20 fois supérieurs à celles des valeurs témoins pour le fer, 17 fois pour le manganèse. « En moyenne, les usagers présentent des teneurs en manganèse 2,6 fois supérieures à la valeur toxicologique de référence pour l’exposition par voie respiratoire proposée par l’US Environnemental Protection Agency (EPA). »

Cette pollution, causée par l’abrasion des freins en métal des trains, des roues en caoutchouc de certaines rames ou même de l’environnement minéral des tunnels, s’ajoute à la pollution extérieure qui s’introduit dans les couloirs par les bouches d’aération.

« Urgent que les pouvoirs publics et le gestionnaire s’emparent de cette problématique »

« Nous avons aussi réalisé des mesures d’air à l’extérieur des stations pour connaître le niveau de pollution dans l’air ambiant de Paris. Cela nous permet de pouvoir mesurer la différence entre l’intérieur et l’extérieur des stations et ainsi de ne mesurer que la « surpollution » engendrée par les métros et RER de la RATP », explique Martin Boudot, journaliste à l’origine de l’étude.

« Cette étude montre la gravité de la situation de la qualité de l’air dans le réseau de transport souterrain géré par la RATP. Il est urgent que les pouvoirs publics et le gestionnaire de ce réseau s’emparent de cette problématique pour diminuer les émissions de particules et l’exposition des usagers », commente Jean-Baptiste Renard, membre du comité scientifique de l’association RESPIRE et directeur de recherche au CNRS, qui a analysé les résultats pour l’équipe de Vert de Rage.

La RATP se défend

Contactée par 20 Minutes, la régie des transports rétorque en mettant en avant une interview de Matteo Redaelli, spécialiste de la qualité de l’air à l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire (Anses), qui répondait à des études antérieures, le 13 mai dernier dans l’émission Parigo : « Ce qui ressort globalement de ces études, c’est que ça ne met pas en évidence d’effets néfastes sur des pathologies, donc d’exacerbation de pathologies ou d’incidence d’une pathologie chez des usagers qui seraient exposés à l’air du métro. »

Mais à la question suivante, le chercheur ajoutait « ce que l’on sait, c’est qu’on n’a pas de risque augmenté d’infarctus du myocarde ou de risque de cancer du poumon chez ces travailleurs » avant de préciser qu’il existait « très peu d’études ».

En plus, la RATP avance un rapport d’Airparif, publié en juillet 2022, qui évaluait le « dispositif de surveillance et d’information de la qualité de l’air dans les gares souterraines où la RATP opère pour Île-de-France Mobilités » validé par le Comité français d’accréditation (COFRAC) comme « le plus complet au monde » puisqu’il mesure en continu notamment les particules PM10, les particules fines PM2.5, les oxydes d’azote (NOX) et le dioxyde de carbone (CO2).

De nouvelles solutions

« La RATP travaille en toute transparence avec des dispositifs de mesure dont les données sont disponibles en permanence sur notre site Internet Ratp.fr. Nous travaillons également à la réduction des émissions de particules à la source avec le déploiement du freinage électrique sur tous les nouveaux matériels, déjà effectifs sur les lignes 2, 5, 9 et 14 du métro. À court terme, les lignes 4, 14 et 11 du métro en bénéficieront, suivi de l’ensemble des lignes du métro parisien. »

Pour compléter cette solution, des garnitures de freinage, « limitant significativement les émissions de particules fines, sont en test sur le RER A (3 rames équipées pendant un an puis 10 prochainement), avec Faiveley Wabtec ».

La RATP a également lancé une étude en 2018 avec l’Institut de santé de Lausanne (Suisse), pour analyser les effets de la qualité de l’air sur les agents exposés auprès de 300 salariés dont les résultats devraient être connus au deuxième semestre 2023.

« Notre travail n’a pas pour but de taper sur la RATP gratuitement. D'ailleurs, nos mesures sont très très proches de celles effectuées par leurs instruments. Preuve de leur fiabilité. L’idée est de mettre en lumière ce problème, trop peu considéré selon nous par la RATP qui n’a que deux instruments de mesure (dans les stations Auber et Nation), et de faire une véritable étude pour les pousser à étudier davantage les solutions qui existent et d’établir un cadre juridique inexistant », conclut Jean-Baptiste Renard.

Source: 20 Minutes