Ille-et-Vilaine : " Vous n’avez rien fait "… Une ancienne élue condamnée après un drame dans la cour d’école

May 23, 2023
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Lucas est presque âgé de 15 ans et s’apprête à boucler son collège dans quelques semaines. Une prouesse quand on connaît son parcours. Depuis près de dix ans et un tragique accident survenu dans sa cour d’école, l’adolescent a dû être accompagné par de multiples spécialistes pour soigner ses troubles cognitifs. La conséquence d’un après-midi de fête qui aurait pu mettre un terme à sa très courte vie.

Le 22 juin 2013, celui qui était âgé d’à peine 5 ans courait dans la cour de l’école des Rondines, à Bourg-des-Comptes (Ille-et-Vilaine), quand il s’est grièvement blessé. Alors qu’il jouait avec des copains à s’arroser avec des pistolets à eau, Lucas s’est engagé dans un petit passage entre un stand installé pour la fête de son école et la clôture. C’est là qu’il a heurté une tige métallique de 40 cm de long qui dépassait du grillage de la cour. Le maquillage Spider-Man qu’il portait n’a pas su le protéger de la violence du choc. La tige de fer s’est enfoncée dans son orbite, percutant son cerveau, transperçant sa tête, le laissant inanimé sur le sol, le visage en sang au milieu de quelques camarades médusés. Pris en charge par les pompiers, le garçon a pu être sauvé, au prix d’un passage en réanimation puis de longs mois d’hospitalisation.

Une clôture défectueuse depuis des années

Dix ans après les faits, l’adolescent souffre toujours de troubles et de lenteurs. Sujet au vertige, il ne pourra sans doute jamais faire le métier de pompier qu’il rêvait d’exercer. Victime d’un trauma crânien, il a pourtant vu son état de santé s’améliorer d’année en année grâce à un suivi médical poussé et au soutien indéfectible de ses parents. Ce mardi, ces derniers étaient sur le banc du tribunal correctionnel de Rennes pour assister à la condamnation d’une élue reconnue coupable d’une faute caractérisée.

La justice a estimé que l’ancienne adjointe à la jeunesse n’avait pas rempli son rôle d’élue lorsqu’elle a ignoré un courrier signé de la directrice de l’école demandant une intervention urgente de la mairie pour réparer le grillage défectueux. Annick G., élue depuis 1983 dans cette commune de 3.000 habitants, a été condamnée à six mois de prison avec sursis pour « faute caractérisée » ayant entraîné des blessures. Les juges ont estimé que l’élue avait connaissance de la dangerosité de la clôture mais n’avait pas agi.

Le 21 juin, soit la veille de l’accident, un enfant s’était déjà blessé au même endroit. Et le 18 juin, quatre jours avant le drame, un autre élève avait été sérieusement touché par ce grillage défectueux, poussant la directrice à rédiger un courrier d’alerte. Le 19 juin, les services techniques étaient intervenus pour « traiter » le problème. Comme à chacune des « sept à huit » alertes émises par la directrice lors de cette année 2013, les agents avaient coupé les fils qui dépassaient.

Insuffisant pour que ce grillage connu pour être défectueux ne cesse d’être dangereux. Le responsable des services techniques avait estimé que la clôture n’était « pas adaptée » à une cour d’école. « Les élus n’ont pas pris la mesure du danger. On n’est pas sur une simple négligence, car tout le monde savait. Mais vous n’avez rien fait », attaque l’avocate de la famille de Lucas. « Gérer la sécurité des enfants, c’est le rôle de l’adjointe à la jeunesse. Mais vous, vous avez reposé le courrier dans la bannette. Vous ne vous êtes même pas déplacée jusqu’à l’école qui est à 220 mètres de la mairie. Ça, c’est une faute caractérisée », enchaîne Me Fabienne Michelet.

Le nouveau maire relaxé par le tribunal

La bouche de l’ancienne adjointe se tord quand elle répond. La voix hésitante, elle tente d’expliquer que ce n’était pas son rôle de gérer ces problèmes de clôture défaillante. « Je savais que les services techniques étaient intervenus la veille. Je pensais que le courrier avait été traité », tente-t-elle d’expliquer sans convaincre les juges.

Le tribunal a en revanche entendu les arguments de l’actuel maire de Bourg-des-Comptes. Mis en examen, celui qui était alors premier adjoint remplaçait le maire de la commune de l’époque, parti en vacances. Les juges ont estimé que Christian Leprêtre n’avait pas été avisé du danger imminent de cette clôture et l’ont relaxé. « Je pense qu’on ne s’adresse pas aux bonnes personnes. Les réquisitions s’adressent davantage au maire de l’époque et au directeur général des services qu’aux deux personnes que vous avez devant vous », n’a cessé de répéter l’avocat des élus Me Frédéric Birrien. A l’issue du verdict, les parents de Lucas semblaient satisfaits de la décision de justice. « Je n’oublierai jamais cette journée. Elle restera gravée en moi », témoignait Françoise. La mère de Lucas garde en mémoire l’image de son fils allongé sur le sol de la cour. Et des mois d’hospitalisation qui ont suivi. Dix ans après ce drame, elle ne souhaite qu’une chose : « Que ça ne se reproduise jamais ailleurs. »

Source: 20 Minutes