Guerre en Ukraine : Que se passe-t-il dans la région russe de Belgorod, cible d’une incursion armée ?
Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, la guerre s’est ponctuellement immiscée sur le territoire de la Russie. Si elles ont parfois été spectaculaires, comme l’explosion de deux drones au Kremlin, au cœur même de la capitale, elles n’ont jamais été d’une telle ampleur. Ce lundi, des combattants ont lancé une incursion armée sur le territoire russe dans la « zone de conduite de l’opération spéciale dans la région de Belgorod », d’après les mots mêmes de l’agence officielle russe TASS. Propulsant cette région frontalière de l’Ukraine, dans cette guerre qui, en Russie, ne dit toujours pas son nom.
Des blindés et des obus ont brutalement fait irruption dans les villages de Zamostié, Glotovo et Graïvoron. Plusieurs localités ont été évacuées et des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des files de véhicules fuyant la zone. Après avoir tu cette incursion armée, le Kremlin a fini par exprimer officiellement sa « profonde préoccupation » ce mardi. Le pouvoir russe a toutefois ensuite affirmé avoir « écrasé » le groupe armé grâce à des « frappes de l’aviation et de l’artillerie et l’action des unités de défenses des frontières du district militaire de l’Ouest », sans que cette information ne soit confirmée à ce stade.
Deux groupes armés à l’offensive
« Il y a deux groupes russes distincts, indépendants de l’armée ukrainienne, qui revendiquent leur implication dans cette incursion. La légion "Liberté de la Russie" et le corps des volontaires russes (RDK), les deux combattent du côté de l’Ukraine dans cette guerre », expose Carole Grimaud, experte à l’Observatoire géostratégique de Genève. La légion « Liberté de la Russie », formée en mars 2022 après l’invasion russe de l’Ukraine, s’est engagée contre Moscou. D’après le commandant de la compagnie, cité en mai 2022 par l’UNIAN, l’agence de presse ukrainienne, ces volontaires se sont engagés aux côtés de Kiev afin de « protéger les Ukrainiens des vrais fascistes ».
« Depuis le début de la guerre, on a beaucoup vu leurs drapeaux blanc-bleu-blanc qui symbolisent pour eux le futur drapeau de la Russie, débarrassée de Vladimir Poutine », souligne l’experte de la Russie. La seconde formation impliquée dans cette incursion est plus trouble. « Denis Nikkitine [de son vrai nom Kapoustine] serait à la tête du bataillon de volontaires russes. C’est un militant d’extrême droite qui a vécu en Allemagne et a eu des ennuis avec la justice », expose Carole Grimaud. Les deux groupes sont indépendants du pouvoir ukrainien qui assure n’avoir aucune responsabilité dans cette attaque, perpétrée sur le territoire russe. Elles ont aussi la particularité d’être composées de Russes.
Une gifle pour Moscou
« Ce sont des Russes qui s’attaquent à la Russie même. Pour les Russes, c’est quelque chose de très fort, de l’ordre d’un début de guerre civile », analyse Carole Grimaud. C’est avant tout une gifle pour Moscou. Les attaques sur son sol ne cessent de s’égrener au fil des mois. Le Kremlin a d’ailleurs admis que « plus d’efforts » étaient nécessaires pour combattre ces incursions, alors que la perméabilité de ses frontières est de plus en plus pointée du doigt. Pour la première fois depuis le 24 février 2022, la Russie a été forcée de mettre en place un régime « antiterroriste » sur son territoire. « Les autres régions, même la Crimée et les zones annexées, sont sous loi martiale. Ce régime est à un niveau supérieur, elle permet le contrôle des citoyens, des incursions dans leurs maisons ou encore la saisie de véhicules de particuliers », énumère Carole Grimaud, précisant que ce régime avait été instauré en Tchétchénie.
Bonjour tout le monde !
Pas beaucoup d’infos depuis hier soir, mais faisons le point cependant.
Les volontaires russes continuent toujours à tenir le point de contrôle #Kozinka dans la région de #Belgorod.
On peut le voir sur cette vidéo.
Quelle est la prochaine étape ? 34/n pic.twitter.com/eeb0EJp4p3 — Cyrille Amoursky (@AmourskyCyrille) May 23, 2023 L‘accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement En cliquant sur « J‘ACCEPTE », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires J‘ACCEPTE Et pour mieux rémunérer 20 Minutes, n'hésitez pas à accepter tous les cookies, même pour un jour uniquement, via notre bouton "J‘accepte pour aujourd‘hui" dans le bandeau ci-dessous. Plus d’informations sur la page Politique de gestion des cookies.
Le président russe ne s’est pas encore exprimé sur le sujet. « D’un côté, le discours officiel se poursuit de façon linéaire : "l’opération continue selon les plans de Vladimir Poutine". De l’autre, la population se voit obligée d’évacuer et les Russes sont attaqués sur leur propre sol », image l’experte à l’Observatoire géostratégique de Genève. Alors que Moscou étouffe de plus en plus la voix des opposants, les hommes qui participent à cette incursion espèrent forcer l’émergence d’un autre discours. « Ils demandent à la population russe de se réveiller et de rejoindre leur lutte pour chasser le pouvoir en place. La légion "Liberté de la Russie" publie des photographies de leur drapeau bleu-blanc-bleu accroché à des ballons qui survolent Moscou », indique Carole Grimaud. Dans cet objectif de retourner l’opinion publique russe et de recruter de nouveaux combattants, ces groupes ont aussi fait « une liste de villes dans lesquelles des actes de résistance ont eu lieu ».
De la zone tampon à la diversion
Dans sa revendication, la légion « Liberté pour la Russie » assure que son objectif est de « créer une zone démilitarisée à la frontière » entre la Russie et l’Ukraine afin de protéger cette dernière des assauts et des bombardements de Moscou. « L’idée d’une zone démilitarisée circule de plus en plus. L’état-major américain envisagerait de créer une zone tampon et démilitarisée afin de faire cesser les combats, à l’image de la guerre coréenne où les deux parties n’ont jamais signé de traité de paix », explique Carole Grimaud. Avec une incursion de seulement une dizaine de kilomètres dans le territoire russe, l’opération en cours est loin de l’ambition qu’aurait Washington.
Il pourrait y avoir une volonté d’attirer les réserves de la Russie dans cette région afin de lancer la contre-offensive plus aisément »
Reste enfin la possibilité que les combattants servent de diversion. L’Ukraine prépare une contre-offensive très attendue depuis plusieurs semaines. La mise en place de cette attaque sur le territoire même de la Russie pourrait perturber l’armée russe, voire la désorganiser. « Il pourrait y avoir une volonté d’attirer les réserves de la Russie dans cette région afin de lancer la contre-offensive plus aisément. Mais pour désengager des troupes russes du front et les délocaliser dans la région de Belgorod, il faudrait un levier plus puissant, plus de force d’attaque », analyse l’experte à l’Observatoire géostratégique de Genève. Des rumeurs circulent toutefois, assurant que le Kremlin a donné l’ordre d’envoyer certaines unités dans la région.
Source: 20 Minutes