Les arnaques aux faux conseillers bancaires en forte hausse, comment faire pour s'en protéger ?

May 23, 2023
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Finis les mails truffés de fautes d'orthographes, désormais l'une des arnaques les plus répandues consiste à vous appeler directement sur votre téléphone en se faisant passer pour votre conseiller bancaire. Une escroquerie parfaitement rodée dont le nombre a bondi ces derniers mois. Depuis le début de l'année, le nombre de victimes ayant contacté la plateforme cybermalveillance.gouv.fr pour une arnaque au conseiller bancaire a augmenté de 50%. En quoi consiste-t-elle, comment l'éviter et que faire si vous en êtes victime ?

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Un procédé bien rodé

Même les plus méfiants d'entre nous peuvent se faire avoir. Dans ce type d'arnaques, les escrocs "sont des professionnels", prévient Jean-Jacques Latour, directeur expertise cybersécurité pour la plateforme cybermalveillance.gouv.fr , invité sur France Bleu dans l'émission Ma France ce mardi. Ils ont "des argumentaires très bien établis et prévoient tous les cas de figure".

Si certains vous appellent avec un numéro quelconque, voire un numéro de téléphone portable, ce "qui est suspect", d'autres vont utiliser une technique appelée le "spoofing", "l'usurpation du numéro de téléphone" de votre banque. Sur votre téléphone s'affiche ainsi "le numéro de téléphone qui correspond à celui de votre agence bancaire". Pour peu que vous l'ayez enregistré dans votre répertoire, l'illusion est parfaite.

La personne au bout du fil se présente alors généralement comme un conseiller bancaire ou comme un agent du service fraude de votre banque. Et vous informe qu'une opération frauduleuse est en cours sur votre compte. L'escroc a fait ses recherches, il est généralement en possession de nombre de vos informations personnelles, afin d'endormir votre méfiance : nom, adresse, numéro de compte en banque, et même le montant de vos économies. "Il connaissait absolument tout de mes informations personnelles et bancaires", témoigne la journaliste de France Bleu Belfort-Montbéliard Flora Midy, victime de cette arnaque en septembre 2022 .

Pour plus de crédibilité, l'appel peut même être précédé d'un message. Flora Midy a ainsi reçu "un SMS de ma banque m'informant qu'un conseiller allait m'appeler sur mon portable" pour "un soupçon de paiement frauduleux depuis ma carte bancaire" dont le numéro peut même être indiqué.

Pour contrer la fraude en cours, explique le faux conseiller, il vous faut alors accomplir une démarche, qui peut varier d'une arnaque à une autre : valider une opération sur son espace personnel bancaire, faire un paiement en ligne, ou même un virement. Flora Midy, la journaliste de France Bleu, a même reçu un message via la messagerie de sa banque en ligne. Une arnaque si bien ficelée que "tous mes soupçons disparaissent, raconte-t-elle. Je n'ai plus aucun doute". Comme elle, de nombreux Français se font avoir.

De plus en plus de victimes

Si cette arnaque "existait déjà par le passé", elle a "pris de l'ampleur" ces derniers mois, signale Jean-Jacques Latour. En 2022, "en moins de six mois, on a eu plus de 1.400 personnes qui sont venues sur notre plateforme pour rechercher de l'assistance sur ce phénomène." Et en 2023, "en moins de quatre mois, on a eu le même nombre de demandes".

"C'est vraiment l'arnaque en vogue, à la mode chez les cybercriminels, parce que ça leur permet d'arriver à récupérer beaucoup d'argent", explique le spécialiste. La journaliste de France Bleu Belfort-Montbéliard Flora Midy s'était ainsi fait dépouiller de 750 euros et Marie, qui témoigne dans l'émission Ma France ce mardi, a été escroquée de 1.500 euros. "Mais on a eu des victimes qui se sont fait dépouiller leur compte principal, leur compte joint, leur compte d'épargne, leur livret A, etc., pour des préjudices qui pouvaient se montait à plusieurs dizaines de milliers d'euros. On a eu des préjudices à 40.000, 60.000 euros !" révèle Jean-Jacques Latour.

Comment éviter l'arnaque ?

Plusieurs points peuvent vous mettre la puce à l'oreille. Si vous avez été récemment victime d'"hameçonnage", ou "phishing", une arnaque permettant de récupérer vos données personnelles, sachez que ces données peuvent être utilisées ou revendues dans l'optique d'une arnaque bancaire. Il peut s'agir par exemple d'une fausse demande de renouvellement de carte vitale ou d'abonnement Netflix, d'une demande d'achat de vignette Crit'Air ou d'une demande de complément d'information émanant (soi-disant) d'un organisme, comme la CAF ou le CPF.

Sachez aussi que si un véritable conseiller vous appelle pour évoquer une fraude sur votre compte bancaire, ce dernier ne vous demandera jamais d'accomplir une quelconque opération. Il "ne va rien vous demander de faire", alerte le directeur expertise cybersécurité pour la plateforme cybermalveillance.gouv.fr . "Il est tout à fait capable de bloquer" la fraude et n'a pas "à vous demander de code, de mot de passe". S'il le fait, c'est "un premier indice" permettant de douter de son identité.

Si vous êtes confronté à ce genre d'appel, "allez voir dans votre espace personnel, sur votre compte bancaire en ligne, voir s'il y a des mouvements frauduleux", conseille aussi Jean-Jacques Latour. "Et rappelez votre banque ou votre conseiller bancaire par vos moyens habituels. Ne faites pas confiance au numéro qui vous appelle. Vous dites 'très bien merci, je vous rappelle' et vous rappelez ce numéro. Et là, vous n'allez pas tomber sur l'escroc, vous allez tomber réellement sur votre banque, qui va vous dire 'arrêtez tout, c'est une arnaque'".

Que faire si vous êtes victime ?

S'il est trop tard et que vous avez été victime d'une arnaque au faux conseiller bancaire (ou toute autre arnaque), "il faut penser à réagir très vite", insiste Gwenaëlle Lejeune, juriste à l'UFC Que Choisir. "Tout d'abord, faire opposition, si vous avez donné votre code de carte bancaire. Agissez immédiatement".

Certaines cartes bancaires proposent des procédures de rétrofacturation ou "chargeback", qui permettent de revenir sur une opération ou un paiement, pensez à vous renseigner là-dessus auprès de votre banque. "Ça peut être un moyen de récupérer la somme qui aura été frauduleusement virée", souligne la juriste.

"Sinon, pensez au signalement ou à la plainte", poursuit-elle. "À partir du moment où vous signaler ce qui vous arrive, il y a la possibilité d'identifier des réseaux. Des réseaux peuvent être démantelés et c'est essentiel pour pouvoir couper l'herbe sous le pied de ces escrocs. Et sinon, se montrer également particulièrement réactif à l'égard de la banque en faisant des réclamations rapides et en contestant et en soutenant la position qu'on peut avoir".

Les banques rechignent à rembourser

En cas d'arnaque, "les banques peuvent également essayer de vous opposer une négligence dont vous auriez pu potentiellement faire preuve", affirme Gwenaëlle Lejeune. C'est ce qui est arrivé à la journaliste de France Bleu : après des semaines d'attente, le verdict tombe : la banque refuse de la rembourser.

Pourtant, selon l'UFC Que Choisir, "si on reproche une négligence grave de la part du consommateur, c'est à la banque d'en rapporter la preuve" et elle "ne peut pas se contenter d'une simple hypothèse de phishing".

"Il ne faut pas oublier que, par exemple, s'il y a un procédé d'authentification fort qui ne vous a pas été demandé alors qu'il existe, la banque doit rembourser, sauf à rapporter une faute de votre part. S'il n'y a pas d'authentification forte, carrément, là le remboursement doit également être automatique", insiste la juriste de l'UFC Que Choisir.

Source: France Bleu