Au Cameroun, une trentaine de femmes enlevées par des séparatistes anglophones
L’enlèvement a eu lieu dans le village de Kedjom Keku, dans la région du Nord-Ouest.
Une trentaine de femmes ont été enlevées, selon les autorités, par des rebelles indépendantistes il y a près de quatre jours dans l’ouest du Cameroun, ensanglanté depuis plus de six ans par un conflit entre séparatistes de la minorité anglophone et forces de l’ordre.
Elles ont été « sévèrement torturées et enlevées par des terroristes armés » dans le village de Kedjom Keku, dans la région du Nord-Ouest, où des groupes armés séparatistes pratiquent fréquemment des enlèvements de civils, essentiellement contre rançon, a indiqué mardi 23 mai, dans un communiqué, la préfecture du département de la Mezam. Les autorités désignent toujours par le mot « terroristes » les rebelles armés qui réclament l’indépendance des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, qu’ils appellent l’« Ambazonie », peuplées principalement par la minorité anglophone de ce pays d’Afrique centrale majoritairement francophone.
« Une trentaine de femmes ont été enlevées par des séparatistes » samedi matin, « on ne les a pas encore retrouvées », a précisé mardi soir à l’AFP un colonel de l’armée qui a requis l’anonymat. Le service de communication du ministère de l’administration du territoire a confirmé à l’AFP que les autorités n’avaient « pas de nouvelles des otages » mardi soir. Le jour précédant leur enlèvement, ces femmes « âgées » organisaient une « marche pacifique pour protester […] contre les exactions et activités criminelles des terroristes », assure la préfecture de la Mezam.
Une vidéo sur les réseaux sociaux
Les deux régions anglophones sont le théâtre depuis fin 2016 d’un conflit meurtrier entre les rebelles séparatistes d’un côté, qui se surnomment les « Amba Boys » ou « Amba Fighters », et l’armée et la police de l’autre, les deux camps étant régulièrement accusés par les ONG internationales et l’ONU de crimes contre les civils. Le conflit a fait plus de 6 000 morts et forcé plus d’un million de personnes à se déplacer, selon le centre de réflexion International Crisis Group (ICG).
Les femmes avaient « manifesté publiquement » la veille de leur enlèvement contre « les activités d’exploitation des Amba Fighters » et notamment l’obligation imposée aux civils par ces derniers de leur payer « des taxes mensuelles de 10 000 francs CFA [15 euros] pour les hommes et 5 000 pour les femmes », explique dans un communiqué le Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique (CHRDA), une ONG basée à Yaoundé qui documente les violations des droits humains en Afrique. Les rebelles assurent, eux, qu’ils prélèvent ces « taxes » pour financer leur « effort de guerre pour l’indépendance ».
Une vidéo circule sur les réseaux sociaux, prétendant montrer ces femmes, assises par terre et manifestement apeurées, que l’AFP n’a pas pu authentifier mais que le CHRDA cite et décrit dans son communiqué, assurant qu’elle a été postée par les « Amba Boys ». Des hommes armés y profèrent insultes et menaces à leur encontre, assurant qu’ils vont tuer ces femmes, qu’ils accusent de « complicité avec les militaires », selon le CHRDA, qui dénonce un « acte barbare » de leurs ravisseurs.
Bavures et actes de torture
Certains groupes rebelles armés perpètrent régulièrement des enlèvements contre rançons de civils, parfois en groupes importants, comme le rapt de ces quelque 30 femmes, notamment dans les établissements scolaires qu’ils accusent d’enseigner le français. Ils commettent aussi régulièrement des assassinats ciblés contre des représentants des autorités, mais aussi contre des civils qu’ils accusent de « collaborer avec l’armée ».
Leurs exactions sont régulièrement dénoncées par les ONG internationales et l’ONU, qui accusent tout aussi régulièrement l’armée de commettre contre les civils des bavures mortelles, des exécutions sommaires, des actes de torture voire des razzias et des tueries dans des villages.
Le conflit a éclaté fin 2016 après la répression violente de manifestations pacifiques de membres de la société civile anglophone, dont une partie s’estime ostracisée par la majorité francophone de ce pays dirigé d’une main de fer depuis plus de quarante ans par le président Paul Biya, 90 ans. Ce dernier se montre intraitable, même à l’égard des plus modérés, qui réclament une solution fédéraliste à ce conflit, et son régime déploie massivement depuis plus de six ans l’élite de l’armée et de la police pour réprimer la rébellion.
Le Monde avec AFP
Source: Le Monde