Dans les centres de rétention administrative, un quart des personnes étaient des sortants de prison en 2022

April 26, 2023
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Près de 16 000 personnes ont été placées dans les 21 centres de rétention administrative (CRA) de métropole en 2022, soit un niveau qui se rapproche de celui qui prévalait avant la crise sanitaire, qui avait entraîné une forte baisse du nombre de placements. Dans les quatre CRA d’outre-mer, ce sont près de 28 000 personnes supplémentaires qui ont été enfermées, selon le rapport annuel rendu public, ce mercredi 26 avril, par les cinq associations présentes en CRA, dont la Cimade et Forum réfugiés.

Les personnes retenues sont à 96 % des hommes et les premières nationalités concernées sont les ressortissants algériens (23,5 %), suivis des Albanais (11,6 %) et des Marocains (8,9 %).

Parmi ces personnes, 44,6 % des personnes ont été éloignées. « La France a donc largement eu recours à l’enfermement des étrangers sans que cela se traduise en termes d’éloignement », jugent les associations, qui dénoncent un recours à l’enfermement « trop souvent abusif, inutile et disproportionné ». La France est, par ailleurs, le pays de l’Union européenne (UE) qui délivre le plus de mesures d’éloignement avec, selon les données d’Eurostat, plus de 135 000 mesures en 2022, soit un quart du total de l’UE, loin devant la Croatie (40 500), la Grèce (33 500) ou l’Allemagne (33 000). Parmi les personnes en CRA ayant été libérées, près de 38 % l’ont été du fait d’une intervention du juge, notamment en raison d’une irrégularité de procédure ou parce que ce dernier a refusé de prolonger la rétention.

Des décisions « disproportionnées »

Fait notable : même si le contrôle de police sur la voie publique reste le principal moyen de placement en CRA, la part des sortants de prison atteint 26,5 % des retenus, soit le niveau de 2020, alors qu’elle n’était que de 8,5 % en moyenne entre 2014 et 2017.

La priorité faite à l’expulsion des personnes présentant des menaces de trouble à l’ordre public avait été amorcée par Gérard Collomb lorsqu’il était ministre de l’intérieur en 2017, en réponse au double meurtre commis par une personne en situation irrégulière à la gare de Marseille Saint-Charles, en octobre 2017. L’actuel locataire de la Place Beauvau, Gérald Darmanin, a accentué cette politique. En août 2022, il a notamment diffusé une instruction aux préfets pour améliorer l’éloignement, au-delà des sortants de prison, de l’ensemble des personnes en situation irrégulière connues pour des troubles à l’ordre public.

Les associations « ne cessent pourtant de documenter et dénoncer le caractère flou et discrétionnaire de la notion de “menace pour l’ordre public” », insiste le rapport, selon lequel, « dans certains cas, les faits invoqués pour appuyer cette analyse n’ont fait l’objet d’aucune condamnation, voire d’aucune poursuite pénale ». Pour les associations, « les décisions de placement sont souvent disproportionnées au regard de la situation des personnes sur le territoire français ». Dans le projet de loi immigration encore récemment promis par l’exécutif, un renforcement des moyens d’expulsion des délinquants est annoncé, à travers la levée des protections à l’éloignement dont bénéficient certaines catégories d’étrangers, comme ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans.

Source: Le Monde