Cannes 2023 : " L’Amour et les forêts ", Virginie Efira dans la mécanique glaçante de l’emprise

May 24, 2023
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Blanche (Virginie Efira) et Grégoire Lamoureux (Melvil Poupaud) dans « L’Amour et les forêts », de Valérie Donzelli. DIAPHANA

SÉLECTION OFFICIELLE - HORS COMPÉTITION

L’AVIS DU « MONDE » - À NE PAS MANQUER

Du soleil. Une jolie maison au bord de la mer. Un papier peint fleuri. Des sœurs jumelles, identiques à une frange près. On entre dans le dernier film de Valérie Donzelli en terrain connu : une comédie acidulée, nourrie des errements de la vie sentimentale, quelque part entre La Reine des pommes (son premier long-métrage, 2009), Eric Rohmer et Jacques Demy, deux de ses cinéastes fétiches.

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Blanche (Virginie Efira), pas tout à fait remise d’un chagrin d’amour, se laisse séduire par une ancienne connaissance, le bien nommé Grégoire Lamoureux (Melvil Poupaud)… Beau, attentionné, déjà épris, le garçon lui envoie des fléchettes ardentes en plein dans le mille. Très vite, ils forment un couple, elle tombe enceinte, ils déménagent à Metz… C’est ici, derrière les forêts, loin des siens et des cabines de plage, que le mal s’enracine.

En adaptant le roman d’Eric Reinhardt L’Amour et les forêts (Gallimard, prix Renaudot des lycéens et prix Roman France Télévisions en 2014), avec la coscénariste, Audrey Diwan (L’Evénement, 2021), Valérie Donzelli s’intéresse à une figure qui fait beaucoup parler depuis l’avènement des années #metoo : le pervers narcissique. Joli cœur en apparence, manipulateur dans les faits. Il y a une émotion palpable à voir le cinéma « fifille » de la réalisatrice embarquer pour l’obscurité de cet amour-là, qui va lui permettre de sonder la face perverse des petits chéris qui ont souvent parcouru ses images.

Précision entomologique

Ce qui se présentait quelques minutes plus tôt comme un film de vacances glisse dans une sorte de « Dracula movie » expressionniste, qui reprend à son compte les motifs du genre. Clair-obscur à la faveur d’un feu de bois, griffes crochues de Lamoureux en ombre chinoise et nuque teint de lait de Blanche transforment le drame psychologique en cauchemar gothique et terrifiant.

A la cohérence du parti pris esthétique s’ajoute la précision entomologique avec laquelle le film observe le mécanisme de l’emprise. Un des traits les plus remarquables de cette adaptation tient à la manière dont elle distille ses informations. Si l’on suit le fil des restrictions imposées à Blanche – elle est privée de voiture, de compte en banque, de déjeuner avec ses collègues, de goûter avec ses élèves, de vacances en famille, de soirée… –, le sacrifice s’avère au bout du compte phénoménal. L’éloignement de sa sœur jumelle, double heureux de Blanche (Efira joue les deux), dit bien son anéantissement.

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Source: Le Monde