" Sois un homme " : la Russie lance une campagne de recrutement militaire pour se battre en Ukraine
« Tu es un homme. Sois-le ». Depuis plusieurs jours, les Russes en âge de combattre ne peuvent échapper aux publicités les incitant à s’engager dans l’armée pour se battre en Ukraine. À Moscou, placardées au bord des routes, sur les vitrines de magasins et sur les abribus, des affiches de recrutement ont fleuri ces derniers jours, vantant « un métier honorable et un salaire décent ». Sur les images, aucune scène de combat, le conflit en Ukraine semble loin. « Notre métier, défendre la patrie », vante par exemple un poster montrant trois militaires sous un grand ciel bleu.
En ligne aussi, la publicité est partout. Une vidéo virale sur les réseaux sociaux met en scène un chauffeur de taxi, un agent de sécurité et un coach de fitness embourbés dans un quotidien morne. « Est-ce vraiment la voie que tu voulais choisir ? », interroge la vidéo. À la fin, les trois hommes s’accomplissent en choisissant le treillis et le fusil d’assaut. Le slogan de la campagne de recrutement apparaît alors.
Objectif : reconstituer des rangs éclaircis alors que Kiev dit préparer une vaste contre-offensive. Le tout sans recourir à une nouvelle mobilisation forcée, une mesure impopulaire que le Kremlin avait prise en septembre après plusieurs revers et qui avait notamment conduit à la fuite à l’étranger de dizaines de milliers d’hommes, peut-être davantage.
Avec la campagne de recrutement volontaire - la plus grande depuis le début de l’offensive en Ukraine -, le pouvoir veut « éviter un nouveau choc », explique à l’AFP Denis Volkov, directeur du centre d’études indépendant Levada. « Les gens se disent : C’est leur affaire, leur choix » de s’enrôler.
Une prime pour les assauts et les km conquis
Les autorités n’ont pas annoncé d’objectifs chiffrés, mais certains médias russes ont rapporté que l’armée espère enrôler plusieurs centaines de milliers d’hommes en proposant des contrats aux conditions particulièrement alléchantes. Sur le site de la municipalité de Moscou, la solde promise à une recrue déployée en zone d’opérations en Ukraine s’élève ainsi à 204 000 roubles (2 260 euros au taux actuel), soit plus de 10 fois le salaire minimum.
Ceux qui participent à une action offensive se voient en outre promettre une prime quotidienne de 8 000 roubles, et 50 000 roubles pour chaque kilomètre conquis au sein d’une brigade d’assaut, formation plus exposée aux tirs ennemis.
Dans la capitale russe, les parents âgés de recrues se voient également proposer des soins à domicile, et les mères de famille des places gratuites en crèche. Même en cas de décès, les recrues se voient promettre de pouvoir mettre leur famille à l’abri, avec une indemnité de plusieurs millions de roubles.
Une loi pour faciliter la mobilisation
Si la campagne a peu de chances de rencontrer du succès dans les grandes villes comme Moscou ou Saint-Pétersbourg, où rejoindre l’armée est vu comme « une perte de temps », elle pourrait avoir un plus large écho en région, estime Denis Volkov. Outre la rémunération attractive permettant de compenser un « ascenseur social dysfonctionnel », le point de vue selon lequel « il est bon pour chaque homme de servir (dans l’armée), c’est une école de la vie », y reste prégnant, souligne-t-il. Et dans une société majoritairement patriarcale, où l’homme est incité à subvenir aux besoins de sa famille, les arguments avancés font mouche.
« En Russie, c’est une bonne somme pour soutenir sa famille, et même ses parents. C’est logique : si une personne défend sa patrie, pourquoi ne devrait-elle pas être payée ? », a commenté auprès de l’AFP Piotr Lipka, un jeune homme de 21 ans. « S’enrôler sous contrat, c’est mieux » que d’être mobilisé, poursuit l’étudiant originaire de Volgograd, l’ex-Stalingrad.
Evguéni Krapivine, 41 ans, était soldat professionnel dans sa jeunesse. Interrogé par l’AFP à Moscou, il dit qu’il aimerait s’engager à nouveau, mais redoute que son âge ne pose problème. « Quand j’ai demandé, on m’a répondu : Vous avez 41 ans, on ne va pas vous prendre », dit-il. Puis, après être passé par plusieurs commissions, « on m’a dit : Attendez, on peut vous appeler à tout moment ».
Source: Le Parisien