En Thaïlande, la pollution de l’air s’invite dans le débat électoral
La ville de Chiang Mai, en Thaïlande, lors d’un pic de pollution atmosphérique, le 10 avril 2023. LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP
La pollution de l’air, qui a atteint des records ces dernières semaines en Thaïlande en cette saison chaude devenue caniculaire, s’est invitée dans les débats de la campagne des élections législatives du 14 mai, les premières depuis 2019 : la plupart des partis en lice l’ont listée en bonne place de leurs préoccupations environnementales. Certains se sont dotés d’une « équipe PM 2,5 » – pour désigner les particules fines les plus dangereuses pour la santé, celles dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres.
Au moins trois partis ont déjà proposé au Parlement leur propre version de la loi sur la qualité de l’air, ou Clean Air Act, au côté de deux autres propositions de loi d’initiative citoyenne. « Trois de ces propositions de loi ont été rejetées par le cabinet du premier ministre sans même être débattues. Et les deux autres ne seront de toute façon pas discutées avant les élections, constate Alliya Moun-ob, chargée des questions climatiques et de pollution de l’air à Greenpeace Thaïlande. Mais l’avancée positive, c’est que presque tous les partis politiques se sont engagés dans leurs promesses de campagne à passer ce genre de loi. Ce qui signifie que le prochain gouvernement pourra difficilement ne pas le faire. »
Une telle loi sur la qualité de l’air doterait le royaume d’un nouveau cadre législatif permettant aux différents ministères et entités publiques de coordonner leurs actions, possiblement sous l’égide d’une nouvelle agence de la protection de l’environnement. En Thaïlande, ces questions sont du ressort du Conseil national de l’environnement (National Environment Board, NEB), placé sous la direction du premier ministre. Mais ses ressources budgétaires et en personnel sont limitées, tout comme son champ d’action.
Dérives systémiques
Le pays – et l’Asie du Sud-Est en général – a tardivement pris conscience du problème de la pollution atmosphérique, alors que les Etats-unis et l’Europe se sont dotés de lois depuis des décennies et que la Chine a engagé des mesures drastiques ces cinq dernières années. Les grands enjeux climatiques occupent un espace politique et médiatique encore limité – malgré les effets de plus en plus concrets du réchauffement climatique dans le bassin du Mékong ou sur le littoral, mangé par la montée des eaux.
Un mélange de laisser-faire et de failles dans les règles et leur application a créé des dérives systémiques. Mais cette année, les pics de pollution enregistrés en Thaïlande sont aggravés par des températures extrêmes durant la saison chaude (de février à mai), qui précède la mousson. Ils sont dus aux incendies de forêts, souvent provoqués pour favoriser la cueillette des champignons, et aussi à l’expansion de la culture du maïs pour l’alimentation animale, dont le pays est un producteur majeur. Les paysans brûlent les chaumes de maïs et des déchets, certains pratiquent la culture sur brûlis, en principe interdite. Plus de 150 000 foyers d’incendie ont été répertoriés entre janvier et avril par les images satellites. Facteur aggravant, ces mêmes pratiques sont répandues dans les pays voisins, la Birmanie, le Laos et le Cambodge.
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Source: Le Monde