PORTRAIT. Arthur Fils, les grandes ambitions d’un enfant de la petite balle
S’il avait pu cocher le lieu, la date et l’heure, Arthur Fils n’aurait peut-être pas fait les choses différemment. Vainqueur du premier titre de sa carrière à Lyon (ATP 250), ce samedi 27 mai, à seulement 18 ans, 11 mois et 15 jours, le protégé de Laurent Raymond a glissé plusieurs clins d’œil au destin.
En devenant le plus jeune Français à s’imposer sur le circuit principal depuis Gaël Monfils à Sopot (Pologne) en 2005. En le faisant à la veille de Roland-Garros, pendant que le tournoi parisien célébrait les 40 ans du sacre de Yannick Noah. Le tout sous le regard bienveillant de Jo-Wilfried Tsonga, co-directeur du rendez-vous rhodanien, avec qu’il a partagé une longue accolade au moment de récupérer son trophée. « Dans ma manière de jouer, c’est à lui que je m’identifie le plus », glissait-il au printemps, au moment d’évoquer la filiation entre sa génération et celle des Mousquetaires. Voilà pour situer la pièce du puzzle dans la grande mosaïque du tennis tricolore.
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Avec l’ocre, tout un paradoxe
Pourtant, là où « JWT » a longtemps peiné pour mettre les deux pieds dans le bon sens sur ocre, le natif de l’Essonne y a déjà vécu ses plus fortes émotions. Celle d’une dernière marche loupée lors de Roland-Garros juniors en 2021, battu en finale par son pote Luca Van Assche. Celle d’un premier titre, donc, devant ses proches. Presque un paradoxe pour celui qui a dû attendre l’âge de 12 ans afin de fouler un court en terre battue.
C’est vers son clan que le futur 63e mondial – il le sera ce lundi – a filé après avoir enlevé son t-shirt saturé de terre et posé à la hâte une serviette immaculée sur ses épaules. Enlacé par ses parents, Anne et Jean-Philippe. S’il avait eu le temps, le trio aurait pu songer à se mettre à l’ombre du cagnard et rembobiner le chemin parcouru. Des heures passées au tennis-club de Saint-Michel-sur-Orge, où le court au filet déchiqueté et aux rebonds aléatoires rendait quasi-impossible la bonne pratique.
Cela n’a pas empêché le plus âgé de la fratrie à préférer la petite balle jaune à la natation ou au basket, discipline pratiquée par son paternel à l’échelon national. « Je me souviens qu’un été, j’étais en vacances avec mon oncle. J’étais tellement excité pour jouer au tennis que je courais partout sur le terrain, n’importe comment. Je suis tombé et me suis ouvert le genou, confie le Francilien. Sauf que je voulais continuer à jouer ».
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Un chef de file au « physique de démolisseur »
L’évidence éclate rapidement aux yeux. Arthur Fils sera un enfant de la petite balle. Ses performances à l’adolescence tracent son itinéraire. Le pôle espoirs de Poitiers. Puis le Centre national d’entraînement (CNE), à Paris. « Arthur, c’est un physique de démolisseur et des qualités énormes, analyse Serge Poulet, formateur au CNE et qui a vu passer la génération de Fils, Van Assche ou Mpetshi-Perricard. Il a une forte personnalité et dégage beaucoup de confiance en lui. Il a ce côté chef de file. »
Arthur Fils a de l’ambition, et il s’est permis de l’afficher sans attendre. Demi-finaliste à Montpellier puis à Marseille en début d’année, il avait alors profité de l’occasion pour esquisser ses objectifs pour 2023, « une demie de Grand Chelem et un titre en ATP 250 ». Présomptueux ? « Je pense qu’il faut dire les choses pour y croire, expliquait-il, fin mars, en pleine préparation de la saison sur terre battue. Moi je le dis. En le disant, je sais que je me donne des opportunités pour y arriver. » La suite lui a donné raison. « Le projet d’Arthur est assumé, appuie Philippe Weiss, ancien directeur de Nike Europe et agent du joueur. Toute la famille tire dans le même et c’est pour ça que c’est cohérent. »
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En l’espace de cinq mois, l’Essonnien est passé de la 251e place au 63e rang mondial. Il n’a pas encore 19 ans – il les fêtera le 12 juin, au lendemain de la finale de Roland-Garros – mais déboule déjà à toute allure. Premier joueur né en 2004 à triompher sur le circuit, le Tricolore s’est imposé comme un grand dans le Rhône. Au terme d’une semaine riche en émotions. « Je suis content et je vais fêter ça, mais pas trop car j’ai Roland la semaine prochaine », soufflait-il après son sacre.
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Dans une poignée d’heures, Arthur Fils fera ses débuts dans un tableau principal de Grand Chelem. Le costume de chouchou du public français l’attend, presque taillé sur mesure. Difficile ne pas y voir un signe.
Source: Ouest-France