" Il restera notre président à vie "... Tout Lyon a pleuré Jean-Michel Aulas

May 28, 2023
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Au Parc OL,

Il était 23h48, samedi soir, lorsque Jean-Michel Aulas a quitté la pelouse du Parc OL après le traditionnel feu d’artifice de fin de saison et un ultime geste amical de son désormais ex-homologue rémois Jean-Pierre Caillot. Fêté par tout un stade avec des chants vibrants, de superbes tifos de la part des deux virages, et des yeux rougis un peu partout, JMA s’en est allé pour de bon, 19 jours après sa brutale éviction de la tête de l’Olympique Lyonnais. A l’image de l’immense banderole « Stade Jean-Michel Aulas » déployée dès samedi matin devant OL Store à Décines, on se doutait que l’essentiel, dans cette journée si spéciale pour 56.874 supporteurs lyonnais, n’était pas de s’accrocher jusqu’au bout à cet espoir de Ligue Europa Conférence.

Non, l’OL a eu beau vite prendre le meilleur sur le Stade de Reims (3-0), ses concurrents à l’Europe (le Losc et Rennes) ont fait le boulot pour que l’enjeu sportif du week-end passe au second plan. Non, les Lyonnais avaient surtout en tête d’offrir à leur président une sortie autrement plus chaleureuse que ce communiqué lapidaire d’Eagle Football, balancé le 8 mai au matin en guise de clim XXL, quelques heures après l’incroyable succès (5-4) contre Montpellier.

« Jean-Michel Aulas est une légende »

A deux heures du coup d’envoi, plusieurs dizaines de supporteurs arborant fièrement le tout nouveau maillot du club floqué « Aulas » se baladaient sur le parvis d’un Parc OL ayant tant compté dans l’œuvre du boss lyonnais. C’est le cas de Cédric (25 ans), qui n’a pas hésité un instant dans la boutique du club : « Jusque-là, je n’ai jamais fait floquer un seul maillot de l’OL, car les joueurs viennent et repartent. Mais là, c’est tellement différent. Jean-Michel Aulas a passé trente-six ans chez nous, vous vous rendez compte ? ». Si bien que comme tant d’autres Lyonnais, Cédric a changé ses plans pour assister à un Lyon-Reims qu’il avait prévu zapper au vu de la nouvelle saison galère de son club favori (7e après la 8e place en 2022).

Pierre (24 ans) donne un aperçu de ce qui animait chaque supporteur ou presque samedi : « Jean-Michel Aulas est une légende. Imaginez qu’il a récupéré un club moribond en Ligue 2 pour en faire un septuple champion de France, c’est quand même fou, non ? ». C’est clairement cette ascension fulgurante qu’on se ressassait durant toute la soirée, et non l’interminable disette de titres depuis la Coupe de France 2012. Dans une vidéo poignante diffusée sur les écrans géants du Parc OL juste après le match, Jean-Michel Aulas revenait d’ailleurs sur sa fameuse prise de pouvoir en 1987. « Le club était en deuxième division depuis quatre ans, avec des difficultés économiques très importantes, raconte-t-il. Personne n’y croyait, c’était un peu la tourmente. Au fond de moi-même, je ne sais même pas si j’y croyais. »

Florentino Perez battu par JMA

Trois décennies plus tard, on a affaire à un président qui estime avoir amené « 75 titres » à l’OL… contre « plus de 50 trophées » dans le fameux communiqué annonçant le départ d’Aulas le 8 mai. Car oui, notre JMA restera jusqu’au bout un filou des chiffres. « Il y a l’académie, les féminines bien sûres, et puis 19 titres de l’équipe première. Il y a eu les sept titres consécutifs [de 2002 à 2008] mais aussi pendant le même temps des Trophées des champions, des Coupes de France de la Ligue. C’est un chiffre colossal. » Ah oui, particulièrement quand on l’enjolive de sept trophées des champions, d’un titre de champion de Ligue 2, et de la Coupe Intertoto 1997… A ce petit jeu-là, ni Florentino Perez ni quiconque ne peut résister au palmarès XXL du boss du Rhône.

✨ 36 années de présidence ✨

𝗠𝗲𝗿𝗰𝗶 𝗝𝗲𝗮𝗻-𝗠𝗶𝗰𝗵𝗲𝗹 𝗔𝘂𝗹𝗮𝘀 ! 🙌🔴🔵 pic.twitter.com/6AMfeWmQ36 — Olympique Lyonnais (@OL) May 27, 2023 L‘accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement En cliquant sur « J‘ACCEPTE », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires J‘ACCEPTE Et pour mieux rémunérer 20 Minutes, n'hésitez pas à accepter tous les cookies, même pour un jour uniquement, via notre bouton "J‘accepte pour aujourd‘hui" dans le bandeau ci-dessous. Plus d’informations sur la page Politique de gestion des cookies.

« Tant que sa mauvaise foi s’adressait au reste du monde et notamment aux médias, ça nous allait très bien, sourit Richard, un habitué du virage sud. Mais quand il avait des difficultés à reconnaître des dysfonctionnements au club, ça devenait plus compliqué à accepter. » Si les critiques se multipliaient chaque année à l’encontre de la politique sportive mise en place par JMA, elles n’étaient évidemment pas à l’ordre du jour samedi.

L’intensité de l’émotion était extraordinaire, a ainsi confié l’intéressé en zone mixte. Cette soirée sera inoubliable pour moi. Le président Caillot me demandait comment il était possible qu’il y ait une unité et une harmonie aussi grandes dans un club comme l’Olympique Lyonnais. »

Dans un virage, six ans après Besiktas

Sans doute car la lassitude et même une forme de colère grandissante ont laissé place depuis le 8 mai à la nostalgie d’une longue ère si fructueuse dans les années 2000… « Vu notre déclassement, le départ de JMA semblait inéluctable, poursuit Richard, le supporteur du virage sud. Mais là, ce soir, on n’a en tête que des remerciements et un peu de tristesse. On n’a connu que lui, donc on a un peu peur de l’inconnu. Il restera notre président à vie. Pendant tout ce temps, on avait un président du cru, pas un parachuté. Son profil nous démarquait du reste du championnat et je pense qu’on va perdre ça. » Pas certain effectivement que John Textor nomme à sa place un natif de L’Arbresle (Rhône).

Lors de cette soirée hommage, il a beaucoup été question du lien entre Jean-Michel Aulas et les virages de supporteurs, alors que son arrivée en 1987 coïncide avec la naissance des Bad Gones. C’est justement dans le virage nord qu’il a assisté (pour la première fois depuis 1987) à la première période du succès face à Reims. Et ce six ans après avoir déboulé dans le virage sud pour tenter d’apaiser le climat d’un chaotique OL-Besiktas (2-1) en Ligue Europa. L’une des images les plus fortes de ces 36 dernières saisons pour illustrer son ouverture auprès des groupes de supporteurs du club.

« Prendre en main les destinées du foot féminin »

« Président, on vous aime », a lâché samedi au micro un leader des Bad Gones. Côté virage sud, la déclaration d’amour était tout aussi claire : « Vous faites partie de la famille. On vous doit un respect éternel. Vous avez été, vous êtes et vous resterez le plus grand président du football français. Mais vous êtes surtout le plus grand homme dans la ville de Lyon ». Jean-Michel Aulas a accueilli tous ces mots passionnés les larmes à l’œil, tout comme lorsqu’il a bénéficié d’une haie d’honneur de 36 témoins marquants de sa vie (un par saison donc), de Bernard Lacombe à Alexandre Lacazette, de Raymond Domenech à Ada Hegerberg et Wendie Renard, en passant par Rémi Garde et Sonny Anderson.

Tiens tiens, un autre Brésilien légendaire était par contre le grand absent de cet hommage. La conséquence logique du probable plus gros fail de management/rapports humains du président Aulas sur ses cinq dernières années de règne. Il lui a par contre suffi de trois minutes de zone mixte, consacrées à sa gestion d’une soirée aussi intense en émotions, pour enchaîner de manière bluffante, de lui-même, sur la suite. Car JMA ne compte pas prononcer le mot « retraite », même à 74 ans.

Je ne suis évidemment pas quelqu’un qui va rester inactif. Des projets importants aux Etats-Unis affluent dans ma vie d’entrepreneur en dehors du football. Il y a une trentaine de start-ups dans lesquelles nous investissons avec mon fils Alexandre. Et puis je vais prendre en main les destinées du foot féminin [avec la présidence de la future Ligue professionnelle de la discipline]. On a déjà fait beaucoup en réformant complètement le foot professionnel. Les joueuses seront ravies d’apprendre qu’elles vont avoir un vrai statut professionnel, ce qui n’était pas totalement le cas auparavant. »

Immense pionnier du football féminin en France depuis 2004, il accompagnera cet été l’équipe de France à la Coupe du monde en Australie et en Nouvelle-Zélande, après avoir poussé pour le choix d’Hervé Renard. Sur le sujet, il n’a rien perdu de son potentiel de troll, qu’on se le dise. Jugez plutôt : « On a imposé dès la première année un championnat de D1 féminine avec des play-offs, ce qui permet d’éviter de penser qu’une équipe trop forte va gagner. Jusqu’au bout, ça donne une compétition, et je pense que les garçons s’en inspireront aussi très prochainement ». Coup double pour Vincent Labrune et Nasser Al-Khelaïfi donc, du grand art.

Cette fois, le boss lyonnais s'en est allé pour de bon, après le match face à Reims. - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

« Soyez encore exigeants, les gars ! »

Mais plus sérieusement, à quoi ressemblera cette nouvelle vie loin de l’OL ? « J’ai un programme chargé qui va me permettre de me relancer dès demain matin, assure-t-il. Mais l’OL sera toujours au fond de mon cœur. On ne divorce pas de l’OL, on ne peut pas oublier l’institution, l’académie, l’équipe féminine, et puis cette équipe masculine qui a eu des hauts et des bas. J’ai vécu 2.500 matchs, ce qui représente une vie. »

Et un regret éternel qu’il évoquait dans toutes ses interviews depuis tant d’années, celui de « ne pas avoir ramené cette Coupe d'Europe masculine à Lyon ». A la fin de son discours face au virage nord, il a d’ailleurs glissé : « Si vous voulez que l’OL monte sur le toit de l’Europe, ce qui a toujours été mon projet, soyez encore exigeants, les gars ! ». Rebelote en zone mixte, où il a fait référence à la nouvelle structure du club autour de John Textor et de Michele Kang (pour l’équipe féminine), qu’il espère vite voir être très ambitieuse.

« Je souhaite à Michele Kang et à John de pouvoir réussir un parcours au moins aussi brillant que celui qu’on a fait, mais je l’espère encore meilleur, a-t-il conclu devant la presse au terme d’une folle soirée. Si on sait gagner la Coupe d'Europe huit fois chez les féminines, on doit pouvoir la gagner aussi chez les garçons. » Evidemment, le futur président de la Ligue professionnelle de football féminin française n’a pas omis de faire passer le message dans le même temps sur Twitter : « A celles et ceux qui me succéderont, nous leur confions un patrimoine du football français, qui les engage ». Vous n’aviez tout de même pas pensé un instant que les coups de pression à la sauce JMA allaient disparaître avec son éviction, si ?

Source: 20 Minutes