Marché : ChatGPT ou l'encombrant invité de la saison des résultats en Bourse
(BFM Bourse) - L'essor du robot conversationnel a commencé à faire ses premières victimes en Bourse, jetant le doute sur l'activité de plusieurs secteurs. Au point que plusieurs sociétés cotées se sont efforcées de rassurer.
ChatGPT, grand faiseur de roi en Bourse. Lancé à l'automne dernier, le robot conversationnel de la société américaine OpenAI a connu un essor fracassant et provoqué une frénésie boursière sur certains titres, notamment Nvidia. Dopé par l'accélération de l'IA générative, la technologie au coeur de ChatGPT, synonyme de hausse de la demande pour ses produits, le groupe américain a gagné plus de 24% jeudi après avoir livré des perspectives époustouflantes pour le deuxième trimestre. Ce qui a porté sa hausse sur l'ensemble de 2023 à 160%.
Mais l'émergence de l'IA générationnel suscite aussi des interrogations sur le modèle d'activité de nombre de secteurs et d'entreprises cotées. La question de l'impact de cette forme d'intelligence artificielle est ainsi revenue dans plusieurs conférences et présentations de sociétés au cours de la saison des résultats qui vient de s'achever.
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Au point de faire des victimes. La société californienne Chegg, jusqu'à lors peu connue en dehors des Etats-Unis, a ainsi fait les gros titres de l'actualité boursière après avoir vu son action dévisser en raison justement de ChatGPT. Cette entreprise de soutien scolaire en ligne avait déclaré lors de la publication de ses résultats trimestriels que son taux de croissance de nouveaux clients était pénalisé par l'intérêt accru des étudiants pour le robot conversationnel. Le cours de l'action a été divisé par près de deux et n'a à peu près rien regagné depuis.
Chegg n'est pas seul. Son avertissement sur résultats a eu des effets collatéraux sur le géant britannique de l'édition (7,5 milliards de livres de capitalisation) Pearson, avec un plongeon de près de 15% le jour de l'annonce de la société américaine. Si bien que, comme le souligne Credit Suisse, la société d'outre-Manche a tenu, une semaine plus tard, une conférence pour rassurer les investisseurs. Le cours a depuis regagné une partie de ses pertes.
Vers davantage de création pour les publicitaires?
Des interrogations ont également entouré les groupes publicitaires. Lors de sa conférence avec les analystes à l'occasion de ses ventes trimestrielles, le président du directoire de Publicis, Arthur Sadoun, a, dès la première salve de questions - celle de l'analyste d'Exane BNP Paribas - dû y répondre. Le dirigeant avait alors assuré que l'intelligence artificielle générative se situait déjà "au coeur du modèle opérationnel" de Publicis, affirmant que ses agences créatives auront "la capacité" de tirer le plein potentiel de cette forme d'IA. Mais cette transformation "prendra du temps avant de devenir une réalité", avait-il ajouté.
Arthur Sadoun résumait la potentielle évolution de la façon suivante: "il est possible que nous soyons moins payés pour une campagne publicitaire unique, mais nous arriverons à enregistrer davantage de volumes dans la mesure où [le besoin de] personnalisation augmente". "Donc nous percevons l'IA générative, aussi longtemps que nous la maîtrisons, davantage comme une opportunité qu'une menace", concluait-il. Publicis a dès 2018 développé Marcel, une plateforme d'intelligence artificielle, en partenariat avec Microsoft, et signé l'an passé un partenariat avec OpenAI.
Dans une note récente, TP ICAP Midcap jugeait que l"'IA forcera les agences médias à apporter de plus en plus d’intelligence moins artificielle, l’émotion dont est dépourvue l’intelligence artificielle illustrant alors leur barrière à l’entrée", ce qui permettra à la création d'émerger comme "un facteur différenciant". Le bureau d'études considère que Publicis saura prendre le bon virage. "Le groupe ne devrait pas à notre sens manquer d’intégrer pleinement mais intelligemment l’IA dans ses solutions ce qui apportera des gains de productivités significatifs et ouvrira de nouveaux possibles", écrivait-il.
Dans une note fin avril, Société Générale jugeait plus largement que les investisseurs sous-estimaient la capacité des agences publicitaires à adapter leurs modèles économiques.
Evidemment, WPP et Omnicom, les grands rivaux de Publicis comptent aussi gagner la course à l'IA générative. John Wren, le directeur général d'Omnicom, a déclaré qu'il entendait "prendre à bras le corps aussi vite que possible" les possibilités offertes par ce type d'intelligence artificielle. Son homologue chez WPP avait lui, affirmé que ces technologies étaient déjà "fondamentales" dans l'activité de sa société.
Teleperformance et "TP GPT"
Teleperformance de son côté a dédié toute une partie de sa présentation, lors de la publication de son chiffre d'affaires trimestriel, à l'IA générative, la présentant lui aussi comme opportunité. La spécialiste de la relation client externalisée a d'ailleurs développé son propre produit "TP GPT"' qui intègre les technologies d'OpenAI, la société à l'origine de ChatGPT. L'entreprise considère que 20% à 30% de ses volumes pourraient être automatisés dans les trois années à venir et a souligné que l'IA pourrait "optimiser ses opérations". Teleperformance donnait comme exemple un appel téléphonique dont la longueur était réduite de 39% grâce à ces technologies.
Morgan Stanley jugeait toutefois qu'avec ces technologies "la composition de l'activité va changer et, à ce stade, le résultat probable semble être une croissance légèrement plus faible avec une marge plus élevée". La banque Stifel, elle, a souligné que les incertitudes sur l'IA générative étaient susceptibles de peser sur le sentiment des investisseurs sur la valeur, en attendant d'avoir davantage de visibilité sur son impact.
Quand ChatGPT donne son avis sur l'impact de... ChatGPT
Autre exemple: Capgemini. Le marché ne semble pas avoir de franches inquiétudes sur l'impact de ChatGPT sur le modèle économique de l'entreprise de services numériques (ESN). Mais son directeur général. Aiman Ezzat, a lui aussi dû répondre, lors de la conférence téléphonique suivant la publication de son chiffre d'affaires du premier trimestre, à une question sur l'essor de l'IA générative et son impact, notamment en termes de pressions sur les prix. "Notre but est de transformer toute nouvelle technologie en flux de revenus" et "nous avons déjà beaucoup travaillé en termes de projets dans l'IA générative même avant que ChatGPT ne devienne populaire", répondait-il.
Percevant cette émergence comme "une opportunité", le dirigeant soulignait que l'IA générative devrait aider à lutter contre la "pénurie de talents", qui frappe le secteur, en améliorant la productivité dans plusieurs domaines, même si cela ne se fera pas "du jour au lendemain". Ce qui sera, certes, intégré dans le "pricing" du groupe, mais, pour autant, les marges continueront d'augmenter grâce à l'impact positif sur la productivité, concluait-il.
Chose amusante, chez TP ICAP Midcap, l'analyste en charge du dossier Aubay, une ESN française de moyenne capitalisation (600 millions d'euros), a demandé directement à ChatGPT lui-même si ChatGPT allait "tuer l'activité des ESN".
Morceaux choisis de la réponse: "bien que les modèles de langage comme ChatGPT puissent automatiser certaines tâches de base ou fournir des informations générales, ils ne peuvent pas remplacer l'expertise humaine, la compréhension contextuelle et les services personnalisés fournis par les entreprises de services numériques".
"Ces entreprises ont un avantage concurrentiel en offrant des solutions adaptées aux besoins spécifiques de leurs clients, en fournissant un support technique spécialisé et en s'adaptant aux évolutions technologiques", poursuivait le robot conversationnel.
Source: BFM Bourse