Laurent Wauquiez, attaqué sur la baisse des aides culturelles en Auvergne-Rhône-Alpes, dénonce une " culture à deux vitesses "
Laurent Wauquiez, à l’université d’été du Medef, à Paris, le 30 août 2022. ERIC PIERMONT / AFP
Quelle meilleure défense que l’attaque ? Mis en cause pour des coupes dans les subventions culturelles de sa région, le président Les Républicains (LR) d’Auvergne-Rhône-Alpes réplique dans un entretien au Journal du dimanche daté du 28 mai, dénonçant « la profonde injustice de [la] politique culturelle et l’inégalité criante dans l’accès à la culture sur le territoire ».
Après une baisse de près de 4 millions d’euros en 2022 des aides à la culture, une nouvelle coupe d’environ 1 million d’euros a été décidée par la majorité du conseil régional le 12 mai. L’exécutif régional justifie cette diminution des subventions par un rééquilibrage des territoires.
Les coupes de M. Wauquiez ont notamment concerné le Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape (Rhône), dont l’aide apportée par la région est passée de 195 000 à 80 000 euros entre 2022 et 2023, ou encore à La Comédie de Saint-Etienne, qui a vu sa subvention réduite à 203 000 euros, en baisse de 60 000 euros.
Mais c’est la suppression totale de la subvention de 149 000 euros au Théâtre nouvelle génération (TNG)-Centre dramatique national de Lyon qui a suscité le plus de réactions. Beaucoup y ont vu une mesure de rétorsion aux critiques formulées envers la politique régionale par son directeur. Joris Mathieu avait notamment dénoncé les « dérives autocrates » de Laurent Wauquiez, pointant une « forme de terreur » dont « le but implicite est de réduire au silence et de dominer ».
Des critiques reprises dans une tribune publiée le 4 mai dans Le Monde, par 200 personnalités du spectacle public et quatre anciens ministres de la culture – Roselyne Bachelot, Jean-Jacques Aillagon, Aurélie Filippetti et Philippe Douste-Blazy. Ils voient dans la suppression de cette subvention une « mesure punitive » et d’« intimidation ».
« Il y a dans notre pays des déserts culturels »
Dans l’émission « C ce soir », sur France 5, le 18 mai, la ministre de la culture, Rima Abdul Malak, a, de son côté, dénoncé le « néopopulisme de Laurent Wauquiez ». « Défendre les territoires, c’est être populiste ? fait mine de s’interroger Laurent Wauquiez dans Le Journal du dimanche. Essayer de faire en sorte que chacun ait accès à la culture, cela vaut donc accusation de néopopulisme, dans la bouche d’une ministre de la culture dont on est bien en peine de dire quelle est sa politique culturelle, et qui ferait mieux de sortir de l’entre-soi et du parisianisme. »
Aux critiques, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes répond qu’il redirige ainsi les aides vers les territoires moins favorisés. « Dans notre pays, la majorité des crédits du ministère de la culture sont réservés à Paris, à la région Ile-de-France et à quelques métropoles. On a construit une culture à deux vitesses », accuse l’élu LR.
Et Laurent Wauquiez de citer des chiffres de 2019 selon lesquels « le ministère de la culture consacre huit fois plus d’argent, en euros par habitant, à l’Ile-de-France qu’au reste du pays : près de 195 euros par Francilien, contre 24 euros dans les autres régions ». « Il y a dans notre pays des déserts culturels comme il y a des déserts médicaux », cingle-t-il.
Le président de la région d’Auvergne-Rhône-Alpes établit aussi un parallèle entre la crise des « gilets jaunes » et la politique culturelle en France. « Au fond, c’est toujours la même question. On dit à certains : vous êtes des pollueurs ; votre monde est celui d’hier ; les hôpitaux et les services publics, c’est chez vous que ça ferme… Et la culture, les expositions, les représentations, ce n’est jamais chez vous », développe-t-il.
« Arrêtons d’opposer deux France, il y a une France qui a droit à la même promesse d’accès à la culture », dit encore celui qui aime désormais se poser en défenseur des « territoires ».
Le Monde
Source: Le Monde