Au Sénégal, Ousmane Sonko ramené de force à son domicile de Dakar

May 29, 2023
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Ousmane Sonko salue ses partisans à Ziguinchor, le 24 mai 2023. MUHAMADOU BITTAYE / AFP

Mais où est passé Ousmane Sonko, le principal opposant sénégalais ? Le flou a persisté plusieurs heures dimanche 28 mai. Alors que son parti, Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), s’alarmait que son leader soit « introuvable et injoignable », la nouvelle a finalement été confirmée en début de soirée.

Ousmane Sonko a été intercepté par les forces de sécurité et de défense dans l’après-midi, à Kaffrine (250 km de Dakar). Sa « caravane pour la liberté », nom qu’il avait donné à son convoi lancé vendredi 26 mai à Ziguinchor et qui devait le conduire jusqu’à la capitale Dakar pour y mener un « combat final » contre les autorités sénégalaises, a ainsi été interrompue à mi-chemin.

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« Il n’a pas été arrêté mais encadré jusqu’à son domicile de Cité Keur Gorgui, à Dakar », a précisé le ministre de l’intérieur, Antoine Félix Diome, en direct sur la chaîne nationale RTS dimanche dans la soirée. Un important dispositif de sécurité a été dressé dans le quartier de M. Sonko, bloquant les rues adjacentes et contraignant de fait le leader de l’opposition à une assignation à domicile.

Poursuivi pour viols répétés

« La responsabilité de l’Etat étant engagée dans la garantie de l’ordre publique, nous ne pouvons pas laisser des personnes faire des rassemblements sans que les règles minimales d’encadrement soient respectées », a justifié M. Diome qui, la veille, avait souligné que ce genre de cortèges étaient soumis à une autorisation préalable, demande que n’avait pas effectuée M. Sonko. Selon le ministre de l’intérieur, les forces de l’ordre ont découvert des « armes », notamment « des lance-pierres et de billes » lors de la fouille du véhicule de l’opposant.

« Des déclarations mensongères », estime Aboubacar Top Sadikh, militant et membre de la cellule de communication du Pastef. « Quel tort a commis Ousmane Sonko ? S’il y a une infraction, pourquoi n’a-t-il pas été conduit à la gendarmerie plutôt que d’être ramené chez lui ? », s’étonne-t-il. Il déplore « un usage exacerbé de la force » de la part du pouvoir qui, selon lui, « ne veut pas d’un opposant aussi fort ».

Ousmane Sonko était parti vendredi 26 mai de Ziginchor, accompagné d’une foule dense de partisans. Il s’était retranché il y a plusieurs semaines dans cette ville de Casamance (sud) dont il est maire, alors que le procès dans lequel il est poursuivi pour viols répétés s’est ouvert à Dakar. Lors d’une audience fleuve mardi 23 mai, la plaignante, Adji Sarr, une ancienne employée d’un salon de massage que M. Sonko fréquentait, a réitéré ses accusations, expliquant comment selon elle l’opposant avait abusé d’elle cinq fois entre décembre 2020 et février 2021.

Risque d’inéligibilité

Ni l’accusé, qui a expliqué n’avoir pas reçu de convocation et dénonce un « complot » politique, ni ses avocats n’étaient présents au procès. Le procureur a requis dix ans de réclusion pour viols ou au minimum cinq ans de prison pour « corruption de la jeunesse ». S’il est condamné lors du verdict attendu jeudi 1er juin, M. Sonko sera en outre inéligible lors de la présidentielle de février 2024.

Dans ce climat de forte tension, sa « caravane de la liberté » avait été entourée dès la première journée de heurts entre ses sympathisants et les forces de sécurité qui ont plusieurs fois fait usage de grenades de gaz lacrymogène pour disperser la foule. Durant la deuxième étape du convoi, samedi 27 mai, un civil est mort en marge des affrontements à Kolda.

Par la voie de son porte-parole, Abdou Karim Fofana, le gouvernement a promis la fermeté, prévenant qu’il « ne permettra à quiconque de troubler l’ordre public » et accusant M. Sonko d’utiliser la rue pour échapper à la justice. En mars 2021, l’interpellation de l’opposant alors qu’il se rendait à une convocation de la justice avait provoqué de violentes émeutes, faisant quatorze morts et entraînant d’importants saccages dans le pays, notamment contre des enseignes françaises.

Source: Le Monde