Guerre en Ukraine : "Une percée possible dès cet été", prévient le ministre de la Défense
Dans un entretien accordé à Ouest France, le ministre ukrainien assure que la contre-offensive à venir «va déclencher un nouveau mouvement de repli des Russes».
«Je ne peux pas vous donner d'explications ou des détails, les Russes vont vous lire», a répondu à Ouest-France Oleksiy Reznikov, ministre ukrainien de la Défense, à la question que se posent toutes les chancelleries occidentales : quand débutera la fameuse «contre-offensive de printemps» ? Depuis plusieurs semaines déjà, des «coups de sonde» sont lancés aux alentours de Zaporijjia (centre), de Bakhmout (Donbass), jusqu'à cette équipée de Russes alliés de l'Ukraine dans la région de Belgorod. Mais pas encore d'attaques massives et coordonnées. Nombre d'observateurs ont vu dans la résistance acharnée à Bakhmout, finalement tombée, un début de contre-offensive. En effet, cette bataille a permis de «fixer» des troupes russes indisponibles sur une autre partie du front.
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Quant aux attaques dans la région de Belgorod, le ministre y voit plutôt le désaccord d'une «partie de la population avec le régime officiel du Kremlin. Et nous avons des images qui nous montrent que des luttes contre le régime en Russie ont lieu depuis longtemps». De plus, il réfute tout lien avec l'armée ukrainienne : «C'était des citoyens russes, nous l'avons vérifié».
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L'objectif principal de Kiev demeure «la libération des territoires occupés» «y compris la Crimée, Louhansk et Donetsk», précise-t-il à Ouest-France. «Ma conviction personnelle, mon instinct me dit que nous avons de sérieuses chances de faire une percée cette année, particulièrement durant l'été», a-t-il ajouté. «Je suis sûr que nous allons pouvoir faire des percées durant cette contre-offensive dans le Sud, à l'Est, à deux ou trois endroits du champ de bataille. Cela va déclencher un nouveau mouvement de repli des Russes de notre territoire, détaille Oleksiy Reznikov. Car ils ont procédé à une nouvelle mobilisation, mais ce sont beaucoup de débutants, sans expérience, sans maîtrise des armes. Wagner a utilisé des détenus, et pour le siège de Bakhmout, durant huit mois, 60 000 hommes sont morts ou ont été blessés au combat».
Mais pour réussir une telle offensive face à une armée russe, quoi qu'on en dise, toujours opérationnelle, l'Ukraine a besoin d'armes, et d'armes modernes. Le président américain, Joe Biden, s'est déclaré ouvert le 19 mai dernier à la livraison d'avion de combat F-16. «Nous avons besoin de plus de 100 appareils», a demandé le ministre qui souhaiterait obtenir de la France des avions. «Mais d'après ce que je sais, en France vous avez une quantité limitée de Rafale*. Je ne suis pas sûre que la France accepterait de nous donner des Rafale pour combattre directement sur le champ de bataille. C'est une question de production, de temps. Ce n'est pas une question politique». Oleksiy Reznikov, qui a lui-même «testé l'AMX 10-RC ( des engins blindés de reconnaissances français, NDLR)», «a pu mesurer la grande précision de tir de ces armements».
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Une guerre «de ressources»
L'Ukraine, qui a subi une grosse pluie de missile et de drone ce lundi, consomme énormément de munitions anti-aériennes. «Les systèmes de défense antiaériens sont la priorité numéro 1», selon le ministre. Mais, pour Kiev, le plus important est l'acheminement régulier de munitions : «Et il y a un sujet très important avec nos partenaires, concernant le calibre de 155 mm (le calibre OTAN standardisé, NDLR)», a-t-il précisé. «Au début de la guerre, la consommation d'obus d'artillerie de différents calibres était de 60 000 par jour sur cette guerre. Aujourd'hui on en est à 30 000 à peu près. Différents types. On peut en utiliser moins, même 10 000. Mais cette guerre est une guerre de ressources».
Enfin, le ministre a évoqué les missiles à longue portée. «Lorsqu'en juillet, l'an dernier, nous avons reçu des lance-roquettes M270 d'Allemagne et des LRU français, nous avions la possibilité de frapper des cibles situées à 80 km de distance. Mais les Russes ont alors reculé leurs positions stratégiques à 120 km», a-t-il rappelé. Depuis, le Royaume-Uni a fourni des missiles Storm Shadow ( d'une portée officielle de 250 km, mais qui pourrait bien atteindre le double, NDLR) et «nous avons demandé des Taurus à l'Allemagne, des Scalp à la France et d'autres munitions à d'autres pays».
*Le Rafale est produit par le groupe Dassault, propriétaire du Figaro.
Source: Le Figaro