Retraites : l'exécutif fourbit ses armes contre la proposition de loi Liot

May 30, 2023
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Par Grégoire Poussielgue

Publié le 30 mai 2023 à 7:01 Mis à jour le 30 mai 2023 à 8:04

C'est le grand retour de la réforme des retraites, mais pas vraiment dans le sens voulu par le gouvernement. La proposition de loi (PPL) du petit groupe Liot - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires - visant à abroger le report de l'âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans arrive ce mercredi en commission des Affaires sociales. Malgré le tir nourri de la majorité, qui estime que cette PPL est contraire à l'article 40 de la Constitution (qui interdit aux parlementaires d'accroître les charges publiques ou de diminuer les ressources), elle devrait être déclarée recevable par le président de la commission des Finances, Eric Coquerel (La France Insoumise). « Je me fais fort de privilégier le débat parlementaire en retenant une appréciation souple de l'article 40, fondée sur des arguments juridiques solides », a-t-il écrit le week-end dernier dans une tribune publiée par « Le Monde ».

Depuis plusieurs semaines, le gouvernement et la majorité font tout pour débrancher cette PPL, en la dénonçant sur le fond, mais surtout en agissant en coulisses. « On fera tout pour que ce débat n'ait pas lieu. Il est illégitime politiquement et techniquement, et il met en danger nos finances publiques », a déclaré la semaine dernière sur Public Sénat Charlotte Caubel, secrétaire d'Etat chargée de l'enfance.

Pressions

Les tensions sont fortes, tant avec les partisans de cette PPL qu'au sein même de la majorité. A l'Elysée, l'urgence est de passer à autre chose, comme Emmanuel Macron tente de le faire depuis la promulgation de la loi sur les retraites. « Cette proposition de loi est un problème, confirme un proche du chef de l'Etat. Si on commence à débattre ce genre de texte, cela ne va plus. Il faut assumer de la shooter. »

Eric Coquerel dénonce des pressions, tout comme les députés corses membres du groupe Liot. « On nous donne des pressions plus ou moins directes sur le fait que nous ne devrions pas nous associer à une telle démarche », a dénoncé la semaine dernière le député de Haute-Corse Michel Castellani.

La croisade du député Liot Charles de Courson, spécialiste des finances publiques et rapporteur du texte, n'en finit pas d'intriguer les macronistes et leurs alliés. « Il a déconcerté tous ses amis car il était le plus intransigeant à défendre les finances publiques ou la retraite à 65 ans. Là, on ne le comprend plus », constate le député Modem Jean-Louis Bourlanges, qui le connaît bien.

Amendements de suppression

Le gouvernement poursuit un objectif : éviter un débat le 8 juin, et surtout, un vote. Celui-ci serait jugé trop risqué, au surlendemain d'une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Elle opposerait un vote de l'Assemblée sur les 64 ans, au 49-3 utilisé par le gouvernement pour faire passer cette réforme. Intenable politiquement en cas d'approbation de la PPL.

« Nous devons faire admettre que cette proposition de loi est irrecevable. Si on devait l'adopter, on ouvrirait une période de profonde instabilité pour nos institutions et nos finances publiques. La plupart des Français ont envie de passer à autre chose, même s'ils étaient opposés à la réforme. Ce texte est juste une tentative de faire un coup politique en mentant délibérément aux Français car cela revient à leur faire croire que la réforme du gouvernement sera abrogée », estime le député Renaissance Marc Ferracci.

Lire aussi : Les députés LR à l'heure des choix face à la proposition de loi Liot

En commission, les amendements de suppression de l'article 1 de la PPL, qui abroge le report de l'âge légal à 64 ans, ont déjà été déposés. Leur vote viderait la PPL de son contenu. Ils sont signés par des députés Renaissance et des Républicains. L'idée est de faire déclarer irrecevable la contre-offensive de Liot pour réintroduire les 62 ans en séance, grâce au fameux article 40 de la Constitution. Ce serait la tâche de la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet. « Dans l'hémicycle, c'est moi qui suis comptable de l'application de l'article 40 », a-t-elle déclaré la semaine dernière sur Sud Radio.

Huilé sur le papier, ce scénario n'en est pas moins lourd de conséquences. Les oppositions sont « remontées à bloc », comme le dit le député socialiste Arthur Delaporte, et veulent profiter de cette PPL pour continuer à mettre la pression sur le gouvernement. « Avec cette proposition de loi, nous voulons juste défaire ce que le gouvernement a mal fait et réparer leur refus de débattre. Le sujet des retraites est loin d'être éteint », estime-t-il. Les oppositions dénoncent aussi une dérive d'un gouvernement accusé de vouloir piétiner la démocratie parlementaire.

Source: Les Échos