Election présidentielle en Turquie : les raisons de la défaite de Kemal Kiliçdaroglu

May 30, 2023
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Le chef du Parti républicain du peuple (CHP) et candidat à la présidentielle turque, Kemal Kiliçdaroglu, au siège de son parti, à Ankara, le 28 mai 2023. UGUR YILDIRIM / AP

Début mars, tout paraissait réuni pour tourner la page des années Recep Tayyip Erdogan et permettre une alternance politique, après vingt ans de règne du tout-puissant « reis ». En imposant son style et sa méthode, Kemal Kiliçdaroglu, le candidat de l’opposition et leader du Parti républicain du peuple (CHP), la formation du père fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk, avait remporté haut la main son épreuve de force, au sein de sa coalition, avec Meral Aksener, l’égérie de la droite nationaliste, qui avait dit et répété qu’elle ne croyait pas en sa capacité de victoire. Lui-même caracolait alors en tête dans les sondages au premier et surtout au second tour de l’élection présidentielle.

Certes, la formation kémaliste n’avait pas dépassé les 25 % des voix aux scrutins nationaux depuis qu’il en avait été nommé à la tête en 2010, mais cet ancien inspecteur des impôts, qui n’a cessé de se poser en homme simple, frugal et vertueux, avait réussi à marquer de son empreinte une campagne jusque-là incarnée par le bouillant président sortant. Au lendemain du tremblement de terre du 6 février, il sut trouver les mots justes pour dénoncer les manquements de l’Etat. De sa cuisine, il conjugua ensuite habilement ses thèmes de campagne et l’actualité de façon claire et efficace, comme cet oignon posé dans sa main, symbole des effets d’une inflation vertigineuse pour les ménages les plus modestes.

Seulement voilà, M. Kiliçdaroglu n’est pas arrivé en tête au premier tour et n’a pu rattraper son retard au second. Que s’est-il passé en quelques semaines pour que l’élection qui semblait gagnable se transforme en défaite annoncée ?

Système d’assistance

Faut-il d’abord rappeler que, dans la jeune République turque, depuis l’instauration du multipartisme, en 1950, la droite conservatrice et nationaliste a remporté tous les scrutins à l’exception des élections de 1973 et 1977, gagnées par les sociaux-démocrates. Au vu des dernières années et du lent glissement à droite de l’électorat, le candidat Kiliçdaroglu, social-démocrate revendiqué, luttait non seulement contre une formidable bête politique, mais aussi contre un certain cours de l’histoire.

Un autre élément à prendre en compte est le legs d’Erdogan. L’électeur ne juge pas forcément ce dernier sur la base de ses actions récentes, mais bien sur ses réalisations au cours des vingt dernières années, comme le développement des infrastructures, le renforcement des moyens militaires ou la multiplication des aides sociales (hausse des retraites et du salaire minimum…). Sa formation politique, le Parti de la justice et du développement (AKP), a certes perdu des voix – elle a même atteint un de ses résultats les plus médiocres sur ses vingt et une années d’existence –, et le chef de l’Etat a eu beau devoir concéder un second tour, il a néanmoins su maintenir la majeure partie de son aura, tant au niveau international qu’auprès de ses électeurs.

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Source: Le Monde