En Italie, le plaidoyer humaniste du président Sergio Mattarella

May 30, 2023
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LETTRE DE ROME

Sergio Mattarella à Rome (Italie), le 24 mars 2023. ANDREA RONCHINI, RONCHINI / NURPHOTO VIA AFP

Les Italiens associent souvent le poète et romancier Alessandro Manzoni (1785-1873) à des souvenirs scolaires un peu pénibles : ceux des lectures obligatoires et des commentaires imposés. Pourtant, il aura suffi d’un discours du président de la République, Sergio Mattarella, pour projeter l’œuvre « populaire mais pas populiste » de l’écrivain, considéré comme un des pères fondateurs de la nation italienne, dans le présent d’un pays dominé par l’extrême droite.

Sonnant comme autant de références à peine voilées à des débats actuels, certains propos prononcés à Milan le 23 mai, à l’occasion du 150e anniversaire de la mort de l’auteur par le chef de l’Etat, gardien de la Constitution et de la modération démocratique, ont été immédiatement interprétés comme une subtile intervention morale.

Milanais et catholique, Alessandro Manzoni est l’une des figures tutélaires du Risorgimento, ce long processus fait de transformations culturelles, de bouleversements politiques et de campagnes militaires qui a débouché à la fin du XIXe siècle sur la naissance de l’Italie comme Etat unifié et souverain. Son œuvre majeure, étudiée à l’école par des générations d’Italiens, Les Fiancés, est un roman volumineux et épique, campé dans une Lombardie du XVIIe siècle suffocant sous la botte espagnole.

« Les humeurs des foules anonymes »

Malgré la longueur du roman, son intrigue peut être résumée simplement. Renzo et Lucia sont jeunes, ils s’aiment, veulent se marier. Mais un petit noble local s’éprend de la jeune fille et l’enlève. Renzo va tout faire pour la secourir au fil de péripéties dont l’arrière-plan regorge de références politiques au présent de l’auteur. Publié en diverses versions des années 1820 aux années 1840, alors que le nord du pays est sous domination autrichienne, le roman est aussi un manifeste pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et un réquisitoire contre l’arbitraire des puissants.

« Dans sa vision, c’est la personne, en tant qu’enfant de Dieu et non en raison de son ascendance, de son appartenance à un groupe ethnique ou à une communauté nationale, qui est le détenteur des droits universels. L’homme en tant que tel, et pas seulement en tant que membre d’une nation, en tant que citoyen, doit être porteur de dignité et de droits », a solennellement déclaré M. Mattarella à propos d’Alessandro Manzoni.

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Le président de la République italienne a également rendu hommage à un autre texte de l’auteur, L’Histoire de la colonne infâme, récit consacré aux délires de masse paranoïaques et meurtriers qui se sont abattus sur Milan avec l’épidémie de peste de 1630. Un avertissement contre « les humeurs des foules anonymes » et contre « les risques encourus lorsque les détenteurs du pouvoir – politique, législatif, judiciaire – s’efforcent de les satisfaire à tout prix, en ne recherchant qu’un consensus éphémère ». Les commentateurs opposés au gouvernement de Mme Meloni ont été prompts à y lire une critique implicite des discours populistes qui l’ont propulsée avec ses alliés dans le paysage politique du pays.

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Source: Le Monde