Roland-Garros 2023 : Daniil Medvedev, numéro 2 mondial, éliminé d’entrée par le surprenant Thiago Seyboth Wild
Le Brésilien Thiago Seyboth Wild après sa victoire sur le Russe Daniil Medvedev au premier tour de l’open de tennis de Roland Garros, à Paris, le 30 mai 2023. AURELIEN MORISSARD / AP
A peine démarrée, l’histoire d’« amitié » entre Daniil Medvedev et la terre battue touche peut-être déjà à sa fin. Arrivé à Roland-Garros impatient comme jamais, le numéro 2 mondial russe est sorti chagrin du court Philippe-Chatrier, mardi 30 mai, éliminé dès son entrée en lice par Thiago Seyboth Wild (172e mondial), un épatant Brésilien de 23 ans, sorti des qualifications (7-6, 6-7, 2-6, 6-3, 6-4).
Dans la foulée de son titre le 21 mai au Masters 1000 de Rome – son premier sur la surface –, Medvedev abordait, plus détendu que les années précédentes, l’échéance parisienne où il n’a jamais dépassé les quarts de finale (en 2021). « C’est la première fois que j’arrive ici après avoir gagné des matchs la semaine précédente, je suis un peu moins stressé par rapport à la terre battue », avait assuré le Russe la veille de lancer sa quinzaine parisienne. Dans la capitale italienne, Medvedev avait impressionné son clan comme ses pairs, avec des victoires notamment sur l’Allemand Alexander Zverev et sur deux Top 10, le Grec Stefanos Tsitsipas et le Danois Holger Rune en finale, deux joueurs spécialistes de la surface à laquelle lui était allergique jusque-là.
« C’est peut-être le début d’une belle amitié avec la terre battue. Pas d’amour hein, juste de l’amitié », nuançait-il alors. Un succès qui l’a propulsé parmi les outsiders du Grand Chelem parisien, derrière les deux grands favoris, Carlos Alcaraz et Novak Djokovic.
Une déclaration prémonitoire
« J’ai plus d’attentes que d’habitude à Roland-Garros, mais je sais aussi que cela peut être un piège. Il faut savoir capitaliser sur cette confiance, mais ne pas se montrer sûr de soi parce que c’est là que se trouve le danger. Parfois, on se dit : “Oh, j’ai si bien joué, ça va être facile”. Puis, au premier tour, on a des problèmes », avait prophétisé Medvedev, vendredi 26 mai, lors de sa conférence de presse d’avant-tournoi.
Mardi, dans un court central balayé par les bourrasques de vent, le joueur russe a semblé renouer avec ses démons sur la poussière ocre, lui qui s’est longtemps décrit comme une « vache sur le verglas ». Emprunté dans ses déplacements, le grand échalas (1,98 m) produisait un jeu indolore pour son adversaire, ses grandes frappes déliées parfaitement neutralisées par un Brésilien au look aussi audacieux que son tennis.
Dès le début du match, le public du court Philippe-Chatrier a pris fait et cause pour ce moustachu tatoué aux faux airs de Freddy Mercury. Face aux « Thia-go » sonores descendant des tribunes, les timides « davaï Daniil » (« allez Daniil ! ») ne faisaient pas le poids. Pas impressionné par son baptême sur le court central, le Brésilien redoublait d’agressivité dans ses frappes, faisant admirer au passage à Medvedev son décalage coup droit.
Deux sets durant, le cadet a pris le géomètre russe à son propre jeu, en lui faisant visiter les quatre coins du terrain. Seyboth Wild a même eu l’occasion de mener deux manches à zéro, avant de pécher par gourmandise et précipitation sur trois balles d’affilée. Rattrapé par les crampes, il a laissé le numéro 2 mondial reprendre les commandes du match au cours des deux sets suivants. Agacé par le public qui le siffle alors qu’il réclame à l’arbitre de descendre vérifier une marque, le Russe francophone a demandé aux rageux de se taire.
Le tennisman russe Daniil Medvedev, lors de son match contre le Brésilien Thiago Seyboth Wild, au troisième jour du tournoi de Roland-Garros, à Paris, le 30 mai 2023. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Avant que Seyboth Wild ne recolle au panache. Ce fan d’Harry Potter – au point de s’être fait tatouer sur le corps les yeux d’Hermione, la Forêt Interdite ou encore la tête d’Hedwige – a sorti de sa botte magique un florilège d’amorties, qu’il maîtrise autant que la volée. Poussé au cinquième set, Medvedev est régulièrement pris à contre-pied par cet adversaire qui dispute pour la première fois le tableau principal d’un Grand Chelem après neuf tentatives. Après quatre heures quinze de jeu, Thiago Seyboth Wild n’a pas tremblé au moment de conclure d’un ultime coup droit long de ligne, son 69e coup gagnant de la partie.
« Il fallait juste que je croie en moi »
Vainqueur de l’US Open juniors 2018, ce droitier – qui a pour livre de chevet l’autobiographie de Rafael Nadal – a remporté son premier titre sur le circuit principal début 2020, en battant Casper Ruud (finaliste malheureux de Roland-Garros 2022 face à Nadal) en finale à Santiago (Chili). Il était alors devenu le premier joueur né dans les années 2000 à soulever un trophée ATP. Depuis, il n’était pas parvenu à confirmer, retombé à la 418e place début 2023.
Au pas de charge, le natif de Marechal Candido Rondon a remporté la bataille. « C’est le plus beau jour de ma vie. J’étais conscient que ça allait être un match compliqué, mais je savais quelle tactique employer contre [Medvedev], je l’ai vu jouer un millier de fois. Il fallait juste que je croie en moi », a-t-il réagi, plus intimidé au moment de s’adresser aux journalistes que sur le court, puis franchement mal à l’aise au moment d’être interrogé à propos d’actes de violences conjugales dont il a été accusé par une ancienne compagne en 2021.
Sur le terrain, le vaincu du jour lui promet des lendemains qui chantent : « S’il continue à jouer comme ça, il terminera la saison dans le Top 30, il gagnera plus d’argent, les sponsors afflueront, a assuré Daniil Medvedev. Mais pour ça, il faut qu’il joue à ce niveau dans les tournois du monde, et que ça ne résume pas à un unique coup d’éclat sur le court Philippe-Chatrier. »
Malgré cette défaite, le Russe n’est pas abattu pour autant. « Physiquement, je ne me sentais pas si mal. Bien sûr que je suis déçu, mais je ne pense pas que j’aie mal joué. L’an prochain, je serai peut-être encore plus motivé pour remporter un nouveau titre sur terre. » Ce sera l’occasion pour lui de célébrer sa victoire par une petite danse, son nouveau rituel qu’il a initié à Rome. Au hasard, une samba ?
Source: Le Monde