Fraude sociale : où sont les milliards à trouver ?

May 30, 2023
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Faire deux fois mieux. Le ministre des Comptes public, Gabriel Attal, a annoncé lundi 30 mai dans Le Parisien une batterie de mesures visant à mieux lutter contre les fraudes aux prestations et aux cotisations sociales. L’an dernier, 1,6 milliard d’euros ont pu être recouvrés. L’objectif est de passer à 3 milliards par an, d’ici la fin du quinquennat.

Où les trouver ? Contrôler les « petits » fraudeurs ne suffira pas. Ce ne sont pas eux qui creusent le plus le trou de la Sécu. L’exemple controversé des retraités vivant à l’étranger est parlant. Il arrive que les pensions continuent d’être versées après le décès, faute de partage de l’État civil avec le pays concerné. En Algérie, les services consulaires français ont convoqué 1 000 retraités âgés de 98 ans ou plus. Résultat, 30 % d’entre eux ne se sont pas présentés. Il n’empêche que dans l’ensemble, les caisses de retraite sont bien gérées : les fraudes représentent entre 100 et 400 millions d’euros par an, selon la Cour des comptes. C’est moins de 0,1 % du total des dépenses de retraites.

Fraude sociale

Le travail dissimulé coûte très cher

Rien à voir avec l’ampleur des fraudes aux cotisations. Le manque à gagner représente entre 7,3 et 9,2 milliards par an, selon le Haut conseil du financement de la protection sociale. La plus grosse part vient du travail dissimulé, une fraude estimée entre 3,9 et 5 milliards d’euros, avec des taux de fraude particulièrement élevés dans les entreprises du secteur de la construction. Dans l’ensemble, le travail dissimulé représente 1,7 à 2,1 % du total des cotisations versées. Bercy parvient à recouvrer 800 millions d’euros par an, un montant qu’il espère doubler. Parmi les outils prévus, le croisement automatique des données des travailleurs détachés, afin de vérifier que leur arrivée dans une entreprise se retrouve bien dans la masse salariale.

Les fraudes sont massives du côté des micro-entrepreneurs, avec des taux qui atteignent 17 à 26 %, pour un manque à gagner estimé entre 1 et 1,5 milliard d’euros. Principaux responsables, les travailleurs des plateformes, où la fraude atteint une proportion considérable, 43 % (soit 150 millions d’euros), et même 62 % de travail non-déclaré parmi les livreurs à vélo. Une bombe à retardement. Car cela signifie aussi « des droits qui ne sont pas ouverts pour les futures retraites » de ces travailleurs, souligne le ministère de l’Économie.

3 % des facturations des médecins

Côté dépenses, c’est le secteur de la santé qui concentre les difficultés, avec des fraudes estimées entre 3,8 et 4,5 milliards d’euros par an. « À 70 %, cela provient de surfacturations » de la part des professionnels de santé, signale Gabriel Attal. La Cour des comptes apporte des précisions. Du côté des médecins généralistes, les fraudes – et les erreurs ! – atteignent 200 millions (soit 3 % des montants facturés). Elles sont estimées entre 280 millions et 390 millions pour les infirmiers (5 à 7 % des montants facturés) et entre 170 et 230 millions pour les kinés (même proportion).

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Concernant les patients, Bercy signale qu’il n’existe quasiment plus de Carte vitale en surnombre. « Il y a des situations de réseaux mafieux, signale Bercy, avec des professionnels de la fraude qui ne sont pas des allocataires modestes. » Les particuliers sont parfois à compter parmi les victimes, lorsque l’argent est détourné vers un compte bancaire qui n’est pas le leur.

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Tout compris, entre les dépenses et les manques à gagner, la fraude sociale représente jusqu’à 17 milliards d’euros au total. C’est moins que la fraude fiscale, estimée pour sa part entre 30 et 100 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu, et entre 20 et 117 milliards pour la TVA.

Source: Ouest-France