" Une perte de pouvoir, et potentiellement d’argent, se dessine derrière la querelle du “Woke Disney” "
L’une des entrées du parc Disney World, à Orlando (Floride, Etats-Unis), le 8 février 2023. JOE RAEDLE / GETTY IMAGES VIA AFP
Les entreprises sont-elles au-dessus des Etats ? Cette question, qui enflamme les esprits depuis le début du capitalisme, se pose à nouveau à propos de la bagarre qui oppose le géant mondial des médias Disney au gouvernement de Floride. Une querelle qui va bien au-delà de la divergence culturelle qui fut le départ de cette affaire. Ce mercredi 26 avril, la société a annoncé avoir porté plainte contre l’Etat pour non-respect des amendements de la Constitution américaine sur la sécurité juridique et la liberté d’expression.
L’affaire avait commencé au printemps 2022 quand le PDG de Disney de l’époque, Bob Chapek, avait ouvertement critiqué la nouvelle loi de Floride visant à interdire les discussions sur le genre et la sexualité dans l’enseignement primaire. Le ton était vite monté entre la direction et le gouverneur républicain, Ron DeSantis, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles.
Avec le retour aux manettes de l’ancien PDG, Bob Iger, les choses semblaient s’être calmées, avant qu’un nouveau conseil du district, nommé par le gouverneur, ne remette de l’huile sur le feu en annulant un accord trouvé par le précédent conseil. Le torchon brûle entre le gouvernement de Floride et l’un de ses principaux employeurs.
Un Etat dans l’Etat
Il faut dire que derrière le net clivage politique, qui, aux Etats-Unis, passe désormais par la question culturelle, se cache une autre affaire de pouvoir. Quand Disney a choisi, en 1967, d’implanter son gigantesque Disney World en Floride, il a négocié avec l’Etat d’obtenir les pleins pouvoirs sur un district, sorte d’intercommunalité, de 100 kilomètres carrés près d’Orlando où a été construit le parc. Il a obtenu des exemptions de taxes et le contrôle total du gouvernement de cette zone, employant ses propres services publics et fixant ses règles en matière d’aménagement. Un Etat dans l’Etat.
C’est cette exception que vient de casser Ron DeSantis en renvoyant le conseil du district, composés de dirigeants de Disney, pour nommer ses hommes. Une perte de pouvoir, et potentiellement d’argent, avec les exemptions fiscales qui y sont attachées, se dessine derrière la querelle du « Woke Disney », comme l’appelle le probable futur candidat à l’élection présidentielle américaine.
Depuis le Moyen Age, les rois et les présidents ont brûlé des créanciers, nationalisé des banques et des usines, mis à genoux des vedettes du business pour montrer qui était le vrai chef. Le récent exemple chinois en a de nouveau apporté la preuve, avec notamment la chute du trop ambitieux patron d’Alibaba, Jack Ma. Ici encore, la volonté de puissance s’est doublée d’une guerre culturelle. Formater les esprits a toujours été la condition de la prise du pouvoir politique, et de son maintien.
Source: Le Monde