Franz Tost tire sa révérence : la retraite d’un fidèle serviteur

April 27, 2023
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La bande à Didi ! Celle-là même qui aimait se réunir au Hangar 7 autour de Dietrich Mateschitz, le maître des lieux. Unis par une solide amitié née avant que ce dernier ne devienne le magnat des boissons énergisantes, et placée sous le signe de la passion automobile.

Elle réunissait Niki Lauda, Helmut Marko, Gerhard Berger et Franz Tost, quatre mousquetaires d’une confrérie joyeuse et fière de ses racines autrichiennes.

Un socle sur lequel allait s’appuyer « Didi » quand la réussite de son entreprise lui fit caresser l’espoir d’une implication en Formule 1. Au milieu de cette noble assemblée faite d’un triple champion du monde, d’un vainqueur des 24 Heures du Mans et d’un pilote aux 10 victoires F1, la présence de Tost n’était pas si incongrue que cela.

L’homme avait, lui-aussi, connu son heure de gloire au volant avant de devenir un manager apprécié. Tost apportait un large éventail d’expériences et de compétences en matière de sport automobile. Il avait été un pilote suffisamment bon pour remporter le championnat autrichien de Formule Ford en 1983, mais il n’avait jamais eu, selon ses propres dires, les qualités pour grimper en F1.

Il s’était donc rapidement tourné vers la gestion des opérations de F3, d’abord au sein de l’Eufra Racing Team, puis au sein de l’équipe WTS de Willi Weber. Weber, l’ancien manager du grand Michael Schumacher lui avait ensuite confié la mission d’encadrer Ralf Schumacher, ce qui lui avait permis de mettre un pied en F1 en 1997 et de devenir responsable des opérations sur circuit chez BMW.

Quand Mateschitz se porta acquéreur de Jaguar Racing pour créer Red Bull Racing en 2005 et de Minardi l’année suivante, c’est donc tout naturellement qu’il s’était tourné vers Tost pour seconder Gerhard Berger à la tête de Toro Rosso, nouvelle appellation de la structure italienne.

Gardien du temple

Contre toute attente, ce solide duo allait sceller le premier succès en Grand Prix du groupe Red Bull à Monza en 2008 avec le jeune Sebastian Vettel. Le succès donna des ailes à Berger, sauf que Mateschitz avait d’autres ambitions pour l’écurie de Faenza. Elle ne devait pas dévier de sa mission première qui était de materner les futures stars de l’écurie première, Red Bull Racing.

Gerhard en prit ombrage et décidait d’en rester-là, laissant Tost le seul maître à bord. Si la puissance du moteur Ferrari et le leadership technique de Giorgio Ascanelli, ancien ingénieur de course d’Ayrton Senna chez McLaren, avait fait de Toro Rosso une entreprise gagnante, l’interdiction des voitures clientes en 2010 allait lui permettre de se réinventer en tant que constructeur indépendant.

L’histoire était en marche pour Franz qui allait devenir ce vieux grognard un peu ronchon, mais animé par une passion exclusive. Incandescente même. Franc et direct, parfois un brin obtus, il allait devenir ce chef d’équipe d’un genre très particulier. Son approche unique pour ne pas dire « vieille école » allait faire qu’au fil des ans Toro Rosso, aujourd’hui Alpha Tauri, allait se libérer du joug de Red Bull Racing et acquérir son autonomie.

Tout en poursuivant sa mission et en dépit d’une allocation budgétaire aux antipodes de l’écurie de Milton Keynes, Faenza allait vivre sa propre vie sous la houlette de ce personnage à l’apparence austère mais animé par ce feu sacré. Un peu trop sans doute. N’a-t-il pas soutenu qu’il serait heureux qu’il y ait un Grand Prix tous les week-ends, alors que l’on s’inquiète de l’élargissement du calendrier de la F1 et de la charge de travail qui en découle ? Il plaisantait évidement, mais à moitié seulement.

La fin d’une ère

Si Tost n’a jamais eu l’apparence d’un chef de guerre, il en a toujours eu les qualités, et une détermination qu’il aura su insuffler à son équipe pour éviter la stagnation et le déclin. Quand il a accepté l’offre de Mateschitz de diriger Toro Rosso, qui aurait pu l’imaginer qu’il soit encore sur le pont, barre à la main, 18 ans plus tard ?

Que l’écurie se serait imposée deux fois et qu’elle serait devenue un pilier du milieu de grille. Alors, évidemment, la question est aujourd’hui de savoir pourquoi il tirera sa révérence à la fin de la saison ? Parce qu’à 67 ans, l’âge de la retraite a sonné ? Difficile à croire de la part d’un Team Principal que l’on imaginait volontiers quitter la scène à la Molière.

Parce que la nouvelle réglementation sur l’effet de sol a durement frappé AlphaTauri et que l’écurie navigue actuellement en eaux troubles ? Peut-être. Parce que son style de management qu’il qualifie lui-même de « réaliste » et non pas de « dur » n’est plus en phase avec son temps ? Peut-être également. Parce que la disparition l’an passé de Mateschitz a marqué la fin d’une époque ? Assurément.

Éleveur de champions

De plus en plus, Franz Tost était vu comme un vestige du passé, le représentant d’un monde aujourd’hui disparu. L’ultime témoin d’une F1 aux accents purs et durs, loin de la quête du show à tout prix. Une perception ayant sa part de vérité, mais aussi de fausseté. Oui, Franz Tost est un homme de passé, mais ça ne fait pas de lui un passéiste.

Il a toujours été tourné vers l’avenir comme le montre le nombre incroyable de talents qu’il a formés pour qu’ils puissent saisir l’avenir à bras le corps : Vettel, Daniel Ricciardo, Daniil Kvyat, Carlos Sainz, Max Verstappen, Pierre Gasly pour ne citer que les plus illustres. Eux et bien d’autres lui doivent beaucoup.

Tost n’aura jamais cessé de travailler pour demain qui est le seul mot qui compte en Formule 1. Un demain qui, dans son cas, se déclinera l’an prochain sous la forme d’un statut de conseiller. Un atterrissage en douceur aux côtés de Laurent Mekies, promu nouveau Team Manager à une date non-encore communiquée.

Les deux hommes se connaissent bien pour avoir travaillé ensemble à Faenza, Laurent sous les ordres de Franz. Le Français saura tirer profit de cette transition qui permettra à l’Autrichien de s’éclipser car les « les vieux soldats ne meurent jamais, ils disparaissent seulement » pour conclure sur ces mots empruntés à Douglas MacArthur qui s’est illustré sur les champs de bataille de la Seconde Guerre Mondiale.

Ceux de Franz Tost étaient les Grands Prix.

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Source: Autohebdo