A La Seine musicale, John Fogerty toujours roi du rock bayou

June 01, 2023
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John Fogerty à la Seine musicale, le 31 mai 2023. SOPHIE LE ROUX / DALLE

Son précédent concert en France – au Grand Rex parisien – remontait à quinze ans, aussi l’occasion de l’entendre mercredi 31 mai à La Seine musicale, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), était peut-être la dernière dans ce pays. John Fogerty joue en effet les prolongations (il est né un 28 mai) pour célébrer sur scène son 78e anniversaire. Ses fans entonnent un Happy Birthday et lui trinque, flûte de champagne en main griffée au nom d’un de ses tubes, Fortunate Son (1969), qui deviendra un hymne contre l’intervention américaine au Vietnam et aussi Fils de personne dans la bouche de Johnny Hallyday.

Un rock’n’roll hargneux qui symbolise la place qu’occupe l’ancien leader du groupe Creedence Clearwater Revival dans la musique américaine : un héros populiste (dans le sens acceptable du terme), défenseur des humbles contre les intérêts des puissants, contestataire mais pas radical. Un démocrate pur sucre, modèle pour Bruce Springsteen et le courant revivaliste de l’americana.

En 2023, il en coûte tout de même 115 euros au minimum pour participer à son Celebration Tour. Ce que fête ici le vétéran est une victoire acquise de haute lutte, après un demi-siècle de procédures judiciaires : depuis janvier, le voilà à nouveau propriétaire des droits des chansons composées pour son ancien groupe, soit la quasi-totalité du répertoire de Creedence.

Prophétie de l’Apocalypse

Son cas était inique dans le milieu de l’édition musicale, en un temps où de jeunes naïfs pouvaient signer des contrats d’enregistrement portant sur vingt albums (ce qu’il fit à San Francisco avec Saul Zaentz, le patron de Fantasy Records, en 1964) et en céder la propriété artistique. Après la rupture entre les deux hommes, l’affaire prendra un tour ubuesque quand Fogerty sera traîné devant les tribunaux pour avoir plagié une de ses propres chansons. Aujourd’hui, il interprète les deux, The Old Man Down the Road (1984) et Run Through The Jungle (1970) et peut piocher dans celles qu’il a écrites pour Creedence sans crainte d’enrichir son pire ennemi – mort en 2014 – comme autrefois.

Il ne s’en prive pas puisque sur vingt titres, seize appartiennent à son glorieux passé. A commencer par Bad Moon Rising, une prophétie de l’Apocalypse biblique et suffisamment littéraire pour que Stephen King la place en exergue de son roman Shining. Pendant une heure trente est déroulé un des plus beaux chapitres du rock américain, qui va de Bayou Country, deuxième album de Creedence début 1969 à l’avant-dernier, Pendulum, fin 1970. Entre ces deux bornes rapprochées, une douzaine de hits exceptionnels. Fogerty avait tous les talents : songwriter d’exception brassant naturellement rock’n’roll et country, rhythm’n’blues et folk, chanteur idéalement agressif, tueur à la guitare inspiré de son aveu par « les riffs de Muddy Waters et de Willie Dixon », et même producteur.

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Source: Le Monde