Communauté LGBT+ : Les jeunes, un parangon de tolérance
Ce jeudi, l’Ipsos publie une enquête sur la communauté LGBT+ et comment elle est perçue dans trente pays différents. Les résultats se basent sur 22.514 adultes de France, d’Australie, des Etats-Unis, du Pérou ou encore de Turquie. Entre 500 et 1.000 adultes de 16 à 74 ans ont été interrogés dans chaque pays entre le 17 février et le 3 mars 2023. L’étude montre notamment une plus grande acceptation des plus jeunes. Dans l’ensemble de la population, 9 % des personnes interrogées affirment faire partie de la communauté queer.
Toutefois, cette proportion varie grandement selon le groupe d’âge. Ainsi, 16 % des jeunes de la génération Z (nés en 1997 ou après) se décrivent comme gay, bisexuel, pansexuel, omnisexuel ou asexuel contre seuls 4 % des Baby boomers (nés entre 1948 et 1964). « Ce n’est absolument pas surprenant. Beaucoup d’études montrent ce même phénomène que ce soit au Canada ou dans les pays anglophones. On perçoit un effet de génération, lié à une meilleure acceptabilité », note Flora Bolter, politiste et codirectrice de l’Observatoire LGBTI + de la Fondation Jean Jaurès.
Les effets historique et générationnel
L’auto-identification à la communauté LGBT+ augmente chaque année, dans toutes les classes d’âges. Mais l’accélération est plus forte pour les jeunes générations. « L’acceptation globale entraîne deux effets. Tout d’abord un effet historique : il est plus facile aujourd’hui de le dire et cela fonctionne pour toutes les générations. Ensuite, il y a un effet générationnel. Les gens plus âgés n’ont pas tous le bon vocabulaire pour se définir et ils ont vécu des périodes de répression et de stigmatisation très fortes, parfois dans leurs années formatives », explique Flora Bolter.
La France a ainsi dépénalisé l’homosexualité en août 1982, ouvert le mariage aux couples de même sexe en mai 2013 et la procréation médicalement assistée aux couples lesbiens en août 2021. Au sein des générations qui ont vécu ces progrès sociaux tardivement dans leur vie, l’appartenance à la communauté queer reste taboue pour beaucoup. « Il y a d’ailleurs une certaine invisibilité des personnes âgées LGBT+ », note Flora Bolter, coautrice de Mariage pour tous : La violence d’une conquête, avant d’ajouter : « Pour beaucoup de personnes âgées, l’orientation sexuelle a toujours correspondu à quelque chose qu’il fallait cacher ».
« Quelque chose qu’on ne doit pas formuler »
Dès lors, pas surprenant que beaucoup moins de Baby boomers affirment connaître des personnes LGBT+. Les membres de la génération Z sont trois fois plus nombreux à affirmer connaître des personnes queers que les personnes nées entre 1948 et 1964. « Pour certaines générations, on ne voit pas ces choses-là, on ne pose pas ces questions-là. Certaines personnes âgées vont s’indigner qu’on dise qu’une personnalité est LGBT parce qu’elles estiment que c’est quelque chose qu’on ne doit pas formuler », explique la codirectrice de l’Observatoire LGBTI + de la Fondation Jean Jaurès avant d’ajouter : « C’est moins dans l’imaginaire des possibles. »
« C’est aussi un effet qui s’auto-entretient. Quand on a déjà un cousin ou une cousine qui a célébré un mariage gay, il est plus facile de l’annoncer pour soi à ses parents. Or, chaque génération a été de plus en plus visible », souligne-t-elle. L’acceptation des gays et lesbiennes par l’opinion publique n’a pas cessé d’augmenter au fil des années. En 2006, d’après l’enquête Contexte de la sexualité en France, 60 % des Français estimaient que l’homosexualité était une sexualité comme une autre. En 2022, d’après le rapport de La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, ils étaient 85 %.
Légiférer pour persuader
« Les lois font beaucoup bouger les mentalités. La progression est beaucoup plus nette autour des lois concernant le Pacs ou le mariage », souligne Flora Bolter avant d’ajouter : « Parfois, il faut que les droits avancent pour que la société puisse avancer ». D’après l’Ipsos, 75 % des membres de la génération Z sont pour le mariage gay ou une reconnaissance légale contre 72 % des Millénials et 73 % des Baby boomers. Une différence de point de vue assez faible. « Avant le mariage pour tous, les générations plus âgées y étaient moins favorables que les générations plus jeunes. Elles ont eu besoin d’une période d’acclimatation mais, depuis, on aperçoit un rattrapage », analyse la coautrice de Mariage pour tous : La violence d’une conquête.
Parfois, il faut que les droits avancent pour que la société puisse avancer »
Pour l’adoption, l’écart se creuse un peu plus avec 71 % des plus jeunes qui y sont favorables, contre seuls 59 % des plus âgés. « L’idée selon laquelle l’adoption chez les couples de même sexe serait contraire à l’intérêt de l’enfant - même si elle n’est pas fondée si on regarde toutes les études faites sur le sujet - est plus présente chez les plus vieux que les plus jeunes », note Flora Bolter. Malgré les progrès faits années après années, l’étude note aussi que le soutien au mariage gay plafonne ou diminue depuis 2021. « Sur l’homosexualité, on ne régresse pas encore en France mais sur les questions trans on le perçoit très fortement », souffle la codirectrice de l’Observatoire LGBTI + de la Fondation Jean Jaurès. Car, il ne faut pas oublier que « le progrès n’est jamais rectiligne ou acquis. »
Source: 20 Minutes