Agressions et harcèlement de supportrices à Bollaert: "dégoût et colère" chez les fans lensois

June 01, 2023
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Depuis quelques jours, des témoignages de supportrices de Lens dénonçant des agressions sexuelles et du harcèlement en tribune émergent sur les réseaux sociaux. Le club les prend très au sérieux et a lancé une enquête.

L’extraordinaire saison du Racing Club de Lens s’achèvera samedi par une ultime fête. Alors que l’équipe de Franck Haise jouera un dernier match sur la pelouse d’Auxerre, le stade Bollaert sera plein pour assister à la rencontre sur écran géant et célébrer une dernière fois la deuxième place, synonyme de qualification directe pour la Ligue des champions. Mais une catégorie du public n’aura pas l’esprit complètement tranquille au moment de garnir les tribunes : les femmes. Depuis quelques jours, des témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux. Ils font état de faits qui correspondent pénalement à des agressions sexuelles et/ou à du harcèlement sexuel.

Bloquée par trois hommes dans les toilettes, elle est sauvée par un steward

C’est le cas de Céline (1), 27 ans, qui vit dans le Pas-de-Calais. « Fondue » du Racing, cette cadre de la fonction publique a vu son premier match à Bollaert à quatre ans. Début 2022, elle prend place en tribune Trannin, niveau zéro. Prise d’une envie pressante, elle quitte la tribune lors de la première mi-temps pour aller aux toilettes. En sortant, trois hommes l’empêchent de sortir. « Je leur demande de me laisser passer. Une fois, deux fois… Deux d’entre eux commencent à s’avancer vers moi de façon insistante. Je commence à paniquer, j’essaie de les pousser, mais je ne sentais plus mes jambes. L’un d’entre eux bloque la porte, les deux autres sont collés à moi. Je sentais l’alcool dans leur respiration. Ils me disaient : "T’es bonne, qu’est-ce que tu fais là ?" J’ai fini par crier. Un steward passe à cet instant et demande s’il y a un problème. Il les a dégagés, et au passage il y en a un qui m’a touché les fesses », raconte-t-elle.

« Tétanisée » et « choquée », elle finit quand même par retourner en tribune, mais attendra la fin du match pour raconter à son conjoint ce qui vient de lui arriver. Elle renonce aussi à porter plainte et à remonter l’épisode au club parce qu’elle a « envie de passer à autre chose ». « Un an après, je me demande encore s’ils auraient tenté quelque chose si le steward n’était pas passé », souffle Céline. « J’ai rencontré des gens exceptionnels à Bollaert, mais il y en a certains qui n’ont rien à faire là et qui entachent l’image des supporters », ajoute-t-elle. Depuis, elle n’a d’ailleurs pas trouvé le courage de retourner au stade. Mais de parler, si : « J’ai lu les témoignages sur les réseaux sociaux, ça m’a fait du bien de me dire que je n’étais pas toute seule et que ce n’était pas ma faute ».

Quand le fond du bus se met à chanter « Et la blonde on la déglingue »

C’est aussi la raison qui a poussé Camille (1), 24 ans, à briser le silence. Pour cette cadre de la finance abonnée en tribune Delacourt, « l’accumulation » des témoignages a fini par l’emporter. Alors elle raconte. Ce jour d’avril dernier, de retour d’un déplacement au Parc des Princes, où le fond du bus se met à entonner « Et la blonde on la déglingue ». Et ce parcage à Reims, jour de son anniversaire, où une partie de la tribune se met à beugler : « Vas-y, Camille montre nous tes fesses, vas-y Camille, montre nous ton cul ».

Avant un déplacement à Troyes, elle va récupérer à la billetterie les places de sa section. Sur place, « un homme se touchait les tétons avec les doigts en tirant la langue et en me regardant ». Lors du déplacement qui suit, « il y avait un mec juste derrière moi, je sentais son souffle dans mon cou. Mes potes me l’ont raconté plus tard, mais à la mi-temps ils l’ont vu taper mon nom dans Google ». Désormais, quand elle prend place dans les tribunes de Bollaert, elle a « tendance à mettre un gros pull » qui va cacher son corps, parce que certains l’ont pris en photo en tribune à son insu. Aujourd’hui, elle veut que « ceux qui se comportent comme des chiens de la casse arrêtent et que ceux qui sont témoins les dénoncent ouvertement ». Elle estime également qu’il s’agit « d’un problème sociétal », plus qu’un d’un problème lié au club.

Sur les réseaux sociaux, un chant en particulier revient dans les témoignages de certaines spectatrices : le « Tous ensemble ». Les spectateurs se lèvent et sautent en attrapant leurs voisins par les épaules. Une partie du corps que certains supporters ont visiblement du mal à situer quand leur voisin est une voisine. En prenant place en Trannin ou Delacourt, niveau 0, Emma (17 ans), sait qu’elle doit se méfier de « ceux qui profitent du mouvement de foule et se permettent d’avoir les mains baladeuses quand l’occasion se présente, la plupart étant fortement alcoolisés ». Elle qui va au stade depuis qu’elle a 7 ans estime que cette saison est celle où « (elle) se sent le moins en sécurité ». « Aux sections de faire le tri dans leurs membres, et au club d’être plus attentif à ce qui se passe dans les tribunes », réclame cette étudiante originaire de Normandie.

Au RC Lens, « s’il y a des victimes, nous serons de leur côté »

Au RC Lens, ces témoignages sur les réseaux sociaux ont bien été détectés ces derniers jours, au point qu’une enquête est en cours pour essayer de les collecter. « C’est une très bonne chose si la parole se libère, même si c’est abrupt pour le club. Nous n’avions jamais eu de remontées de ce type, sinon nous aurions agi tout de suite. Si des personnes ont été victimes de tels agissements, nous les invitons à déposer plainte et à se rapprocher du club. Le message est aussi passé auprès des personnels de sécurité : en cas de signalement en plein match, les personnes doivent être en capacité d’intervenir. S’il y a des victimes, nous serons de leur côté », fait savoir la direction du club.

Celle-ci rappelle également qu’elle « dispose de tous les moyens pour identifier » les auteurs éventuels de ces actes. « S’il y a un signalement est que les faits sont avérés, ces personnes ne mettront plus les pieds à Bollaert. Il n’y a pas l’ombre d’une place pour des gens comme ça. Lens, c’est la ferveur joyeuse et ça doit le rester », assure le club.

Source: La Voix du Nord