" Justice pour le vivant " : la rapporteuse publique reconnaît des " fautes " de l’Etat dans la protection de la biodiversité

June 01, 2023
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Un agriculteur traite un champ avec des pesticides, en Haute-Garonne, en mai 2016. REMY GABALDA/AFP

La responsabilité de l’Etat français dans l’effondrement de la biodiversité est-elle en passe d’être reconnue par la justice ? La rapporteuse publique, Anne Baratin, a estimé jeudi 1er juin qu’il était l’auteur de plusieurs « fautes » en matière de protection du vivant, et notamment dans le processus d’autorisation et de mise sur le marché des pesticides.

En rendant ses conclusions dans le cadre de l’action « Justice pour le vivant », elle a appelé le tribunal administratif de Paris à enjoindre au gouvernement de prendre « toutes les mesures utiles », dans un délai d’un an, pour réparer le préjudice écologique lié à ses manquements.

Les cinq organisations à l’origine du recours en carence fautive contre l’Etat déposé en janvier 2022 – Notre affaire à tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, l’Association pour la protection des animaux sauvages et l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières – se sont réjouies de la tonalité de l’audience. « Ce dossier est historique, vital et extrêmement urgent, a rappelé Justine Ripoll, responsable de campagnes chez Notre affaire à tous. Nous espérons que le tribunal administratif suivra l’ensemble des conclusions de la rapporteuse publique. »

Le gouvernement accusé de n’avoir rien fait

Au cœur du dossier figure la procédure d’homologation et de mise sur le marché des produits phytosanitaires, largement reconnue comme défaillante. Dans leur recours, les organisations ont détaillé ce qui lui est reproché : la non-représentativité des espèces utilisées pour les tests, l’insuffisante prise en compte des effets chroniques, sublétaux, indirects et « cocktails » des pesticides, la sous-estimation de l’exposition… Le gouvernement est accusé de n’avoir rien fait pour pallier ces failles, alors que l’usage massif des pesticides est en grande partie responsable de l’érosion de la biodiversité.

« L’ensemble de ces insuffisances et lacunes a été suffisamment établi par la littérature scientifique et par les autorités de régulation européenne et française », a assuré Anne Baratin, en rappelant que la contamination des sols et des eaux par les pesticides était « généralisée, diffuse et chronique ».

La rapporteuse publique a ensuite balayé l’un des principaux arguments de l’Etat : sans contester les manquements de la procédure d’évaluation des risques, il estime ne pas avoir de « marge de manœuvre » pour l’améliorer, la procédure étant harmonisée et encadrée par le droit européen. « Les Etats membres ne sont pas empêchés d’appliquer le principe de précaution, ils ont le pouvoir d’exiger des données et des études supplémentaires, ils peuvent imposer des mesures d’atténuation des risques », a énuméré Anne Baratin. La France dispose donc d’une « marge de manœuvre importante » et d’une « certaine liberté » pour contrôler les conditions dans lesquelles les pesticides sont autorités et utilisés.

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Source: Le Monde