Adhésion de la Suède à l'Otan : "Erdogan va continuer à faire monter la pression"
Casse-tête diplomatique
Nouvelle loi antiterroriste en Suède, pression occidentale accrue sur la Turquie... des éléments nouveaux pourraient rebattre les cartes dans le dossier du blocage turc à l'adhésion de la Suède à l'Otan, même si Ankara "ne fera pas beaucoup de concessions", estime Didier Billion, directeur adjoint de l'Iris et spécialiste de la Turquie.
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Après un an de blocage, la Suède va-t-elle enfin obtenir sa carte de membre au sein du club de l'Otan ? Depuis la réélection de Recep Tayyip Erdogan en Turquie, l'un des deux seuls des 31 pays de l'Otan avec la Hongrie à n'avoir pas encore ratifié une adhésion suédoise, le ton est résolument optimiste du côté des responsables occidentaux.
Une adhésion avant le sommet de l'organisation politique et militaire à Vilnius en juillet serait même "absolument possible", selon son secrétaire général, Jens Stoltenberg, qui a annoncé jeudi 1er juin lors d'une réunion à Oslo qu'il se rendrait bientôt à Ankara.
"Nous avons honoré tous nos engagements", a également assuré le chef de la diplomatie suédoise, Tobias Billström, présent en Norvège. "Cela n'a jamais été un sprint, c'est un marathon et nous en voyons maintenant la fin", a-t-il ajouté.
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La veille, les États-Unis ont à nouveau exhorté la Turquie à donner sans délai son feu vert. "Du point de vue des États-Unis, le temps est venu de finaliser l'adhésion de la Suède à l'Otan", a affirmé le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, avant d'ajouter que la Suède avait pris des mesures "très importantes pour répondre à des préoccupations très légitimes" de la Turquie.
Parmi ces mesures, une nouvelle loi interdisant les activités liées à des groupes extrémistes renforçant ainsi la législation du pays sur le terrorisme. Un gage donné à Ankara, qui reproche depuis des mois à la Suède de servir de refuge à des activistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ennemi juré du gouvernement turc, le PKK est classé comme organisation terroriste non seulement par Ankara, mais aussi par la Suède, l'Union européenne ou encore les États-Unis.
Ces concessions suédoises seront-elles suffisantes pour infléchir la position de la Turquie? Faut-il bientôt s'attendre à la fin de cette guerre des nerfs entre Ankara et les pays occidentaux ? Éléments de réponse avec Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la Turquie.
France 24 : L'entrée en vigueur jeudi 1er juin d'une loi pour limiter les activités des groupes extrémistes en Suède est-elle de nature à infléchir la position turque ?
Didier Billion : On voit que le problème du veto turc ne se pose plus exactement dans les mêmes termes qu'il y a trois ou quatre mois. Visiblement, il y a des avancées vers une adhésion de la Suède mais qui seraient au prix de concessions sur certaines exigences turques.
La nouvelle loi destinée à limiter les activités des groupes extrémistes prouve que la Suède n'a pas fait le deuil de son adhésion à l'Otan. Ce ne sera sans doute pas suffisant, mais cela montre que Stockholm est dans une situation très compliquée.
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On peut imaginer que la Suède serait même prête à aller jusqu'à expulser une poignée de réfugiés kurdes ou gülenistes [mouvement inspiré par Fethullah Gülen, accusé par le pouvoir d’avoir initié un coup d’État en 2016], convaincus de crimes de sang. C'est un marchandage qui pourrait convenir à la Turquie. Ce serait considéré comme une victoire pour Erdogan, qui une fois de plus démontrerait son intransigeance en matière de lutte antiterroriste.
La réélection d'Erdogan peut-elle favoriser le dossier suédois dans la mesure où le discours nationaliste, très présent pendant la campagne, sera peut-être désormais moins virulent en Turquie ?
Il ne faut pas se faire d'illusions. Erdogan ne va pas modifier ses postures nationalistes parce qu'il a été réélu. En interne, il a noué des alliances avec des forces nationalistes et ultranationalistes qui vont elles-mêmes faire pression sur lui. Il ne faut donc pas s'attendre à un relâchement sur le plan international.
Il ne fera pas beaucoup de concessions et s'il en fait ce sera parce qu'il y trouve un intérêt. De mon point de vue, il faut manier les récentes déclarations optimistes des dirigeants occidentaux avec précaution. Si des chefs d'État européens s'imaginent que cela va être plus simple avec Erdogan après sa réélection, ils se trompent.
Selon moi, les pressions fortes de la Turquie sur la Suède vont continuer ainsi que sur les États-Unis et puis, à un moment donné, il y aura un accord. Cela peut être dans un mois ou dans six. C'est une vieille habitude de la diplomatie turque dans les discussions internationales un peu tendues que de tordre la corde jusqu'au dernier moment avant d'accepter une forme de compromis.
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Il y a bien eu un accord avec la Finlande [devenue membre de l'Otan le 4 avril], même si c'était évidemment moins compliqué qu'avec la Suède qui abrite ces nombreux réfugiés politiques kurdes et gülenistes. Erdogan va donc continuer à faire monter la pression mais je pense qu'à un moment donné, il acceptera l'adhésion de la Suède.
Ce compromis dont vous parlez peut-il venir des États-Unis ? La Turquie semble attendre un geste de Washington après son exclusion du programme d’avions de combat furtifs américains F-35. Une mesure de représailles après l'achat par Ankara d'un système anti-missile russe S-400 en 2020...
C'est un sujet important de contentieux car la Turquie avait versé un acompte [1,4 milliard de dollars] dans le développement des F-35. Le programme de formation des pilotes turcs a aussi été stoppé net.
Selon la presse turque, il serait question que Washington accepte de livrer de nouveaux F-16 à la Turquie et fournisse des pièces pour les avions de chasse américains que la Turquie possède déjà. C'est un aspect très important des négociations en cours et à venir ; je pense que cela pourrait encourager Erdogan à reconsidérer le dossier suédois. Mais pour le moment, ce ne sont que des rumeurs.
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Cependant, il faut rappeler qu'en dépit de ces tensions et du fait que la Turquie cherche à maintenir de bonnes relations avec la Russie malgré le déclenchement de la guerre en Ukraine, Ankara continue de considérer l'Otan comme sa meilleure garantie en matière de sécurité. Le casse-tête diplomatique avec la Suède n'est peut-être pas tout à fait terminé mais il y a des éléments nouveaux qui permettent d'imaginer qu'il est en train de se dénouer.
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Source: FRANCE 24