"Nous avons été les bons pigeons" : deux Loirétains bataillent pour annuler une vente à 54.000 euros conclue lors de la Foirexpo d'Orléans
Ils s'y étaient rendus pour acheter une porte d'entrée. Ils en sont repartis, sans porte d'entrée, mais avec un contrat à 54.000 euros.
Depuis, un couple de Loirétains a découvert ce que beaucoup ignorent : sur les foires, les délais de rétractation pour tout acte de vente, y compris ceux avec cinq ou six chiffres, n'existent pas.
Négocié en une heure
Le 29 mars dernier, Danielle et son mari, âgés de 65 et 70 ans, ont signé, à la Foirexpo d'Orléans, un document actant la réfection totale de leur toiture, avec une entreprise implantée un peu partout en France et se présentant comme l'un des "leaders" du marché de l'habitat.
premium Un élevage du Loiret épinglé par un militant écologue pour sa production d’oiseaux destinés à la chasse
Montant de la prestation négociée en à peine une heure : 54.000 euros. Un acompte d'un peu moins de 300 euros est alors versé par le couple.
Sur le chemin du retour, la Loirétaine et son mari sont pris d'une sensation de malaise. Puis de panique, le lendemain. "On se dit qu'on s'était initialement déplacé à la foire pour une porte, mais qu'on en est reparti avec un contrat à 54.000 euros ! En réalité, on se rend compte qu'il était difficile pour nous de circuler sans être littéralement alpagués de toutes parts par des vendeurs."
D'autant que mon mari se déplace très difficilement depuis un AVC... On en est ressorti épuisés, avec la sensation d'avoir été "matraqués", saturés d'informations !
Vivement encouragés...
Les vendeurs de l'entreprise en question ont su se montrer "plutôt séduisants". "J'ai regardé leur stand par curiosité mais un commercial est directement venu m'interpeller." Là s'engage rapidement cette "phase curieuse" qui laisse aux Loirétains l'étrange sensation d'avoir été "convaincus", pour ne pas dire "poussés" à la vente...
C'est vrai qu'on avait l'intention de nettoyer notre toit, mais pas dans l'immédiat, et nous n'étions absolument pas venus à la foire pour ça ! On l'a répété plusieurs fois aux commerciaux mais ils ont insisté sur l'importance de désamianter notre toiture, de profiter d'une offre qui nous était proposée mais ne le serait plus la semaine d'après, et qu'il fallait rapidement se décider car avec l'inflation, tout allait augmenter... On était assommé d'informations. Et on s'est laissé convaincre.
premium Les cambriolages en baisse dans le Loiret depuis 2016, malgré un léger retour à la hausse en 2022
Une obligation d'affichage
Une fois dans leur voiture, les époux réalisent : ils n'ont au final posé quasi aucune question technique. Et viennent de "signer un document" pour une prestation à 54.000 euros, alors que l'entreprise ne s'est pas même déplacée chez eux pour établir un diagnostic de leur toit.
Le lendemain, Danielle retourne au stand de la foire et "supplie, en larmes", l'entreprise de bien vouloir annuler la vente.
On m'a fait comprendre que ce n'était pas possible. Et l'on s'est bien passé surtout de nous délivrer durant la vente l'information la plus essentielle : l'absence de délai de rétractation sur les foires. À aucun moment nous n'avons été prévenus de ça !
Peu connu du grand public
Une donnée dans les faits "peu connue" du grand public, observe la représentante de l'antenne orléanaise de l'UFC-Que choisir, Françoise Pilard. "Les consommateurs doivent comprendre qu'entrer dans une foire est identique au fait d'acheter dans un magasin ; il n'y a pas de rétractation possible. Les éventuels remboursements, avoirs... dépendent du bon vouloir des commerçants."
Il existe néanmoins une "obligation d'affichage" pour les entreprises présentes sur ce type d'événements : elles sont obligées d'informer leur clientèle de l'absence de délai de rétractation avec un écrit placé sur leur stand. "Mais d'une entreprise à une autre, la taille de l'affichage diffère parfois...", observe Françoise Pilard, malgré la réglementation.
Déjà condamné en 2015
Après avoir systématiquement refusé la visite des ouvriers de l'entreprise à son domicile ou de tout de même verser, en cas d'annulation, 30% du montant de la prestation, Danielle a finalement réussi à obtenir gain de cause après deux mois de bataille, le 1er juin.
Soit le jour où, après avoir recueilli le témoignage de la Loirétaine, La République du Centre avait justement contacté l'entreprise pour avoir sa version des faits...
premium Face à la recrudescence des vols de matériel agricole dans le Loiret, les gendarmes font de la prévention
Il se trouve que cette dernière est bien connue de l'UFC-Que choisir : elle figure régulièrement dans le classement des sociétés cumulant le plus de plaintes et de signalements.
Pratiques commerciales "agressives"
À Orléans, en 2015, elle a justement été condamnée pour "pratiques commerciales agressives et abus de faiblesse", certains de ses commerciaux de l'époque refourguant des contrats à plusieurs milliers d'euros à des personnes présentant une fragilité apparente...
Contactée, l'entreprise n'a pas souhaité s'exprimer dans la mesure où "la situation [avec ces clients] est désormais réglée", nous a fait savoir la direction. La société a effectivement consenti à abandonner le contrat, mais aussi à rembourser au couple de Loirétains l’acompte qu'il avait versé.
Mais Danielle n'en démord pas : "Certains vendeurs savent y faire et sont particulièrement séduisants ! Nous avons été les bons pigeons. Et il est important de le rappeler : sur les foires, il n'y a pas de délai de rétractation !"
À bon entendeur...
premium Défense d'éléphant, carapace de tortue... Plus d'une centaine d'objets détenus illégalement saisis par les douanes dans le Loiret
Sarah Bourletias
Source: La République du Centre