Une enquête pointe la responsabilité des garde-côtes dans le naufrage d'un bateau de migrants
Pourquoi le Summer Love, bateau chargé de migrants repéré par Frontex au large de l’Italie le 25 février au soir, n’a-t-il été secouru que six heures plus tard, après s’être échoué sur un haut-fond ? C’est sur ce naufrage, qui a fait 94 morts, que devront s’expliquer trois hauts responsables de la Guardia di finanza, la police douanière italienne. Et sur lequel ont enquêté des journalistes du Monde, du Lighthouse Reports, d’El Pais, de Sky News, de Domani et du Süddeutsche Zeitung.
Trois mois après le drame, les circonstances du naufrage s’éclaircissent, et la version du gouvernement italien tangue. « Aucune communication d’urgence n’a été émise par Frontex », l’agence européenne de gardes-côtes, se défendait Giorgia Meloni le 4 mars. Or, un avion de Frontex a averti les autorités locales de la présence possible à bord du navire, selon un rapport confidentiel envoyé aux gardes-côtes italiens et au ministère de l’Intérieur plusieurs heures avant le naufrage.
Météo dégradée
L’appareil de Frontex a ainsi suivi le Summer Love, alerté les autorités italiennes de la violence du vent et fourni des images en direct du bateau à l’Italie, environ huit heures avant le naufrage. Or, selon une recommandation de la Cour européenne des droits de l’homme de 2019, les bateaux « transportant des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants » devraient être « considérés comme des bateaux en détresse », puisqu' « invariablement surchargés et peu adaptés à un long voyage, surtout si la mer est agitée ».
La météo, justement, était particulièrement dégradée cette nuit-là. Parties intercepter l’embarcation à 3h30 le 26 février, alors que Frontex l’avait signalée à 22h26, deux vedettes de la police douanière ont même dû rebrousser chemin « compte tenu des conditions météorologiques ». Sans que le centre de commandement des gardes-côtes, basé à Rome, n’émette d’alerte.
Ce n’est qu’une demi-heure plus tard qu’une mission de sauvetage sera déclenchée. Trop tard. Entre-temps, les passeurs ont réussi à relancer le moteur du bateau, coupé depuis le 24 février, vers 14 heures, en raison d’une surchauffe. Mais ils ont dévié de leur trajectoire, et le Summer Love, la cale pleine de migrants, fracasse sa coque sur un haut-fond à proximité de la plage de Cutro, en Calabre. Urgence sous-estimée par Frontex ? Négligence des autorités italiennes ? Le parquet de Crotone devra trancher.
Source: 20 Minutes
