Roland-Garros 2023 : dans le jeu comme dans l’attitude, la leçon de maturité de Cori Gauff

June 03, 2023
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Coco Gauff lors de son match face à la Russe Mirra Andreeva à Roland-Garros, le 3 juin 2023. CHRISTOPHE ENA / AP

Du haut de ses 19 ans, « Coco » Gauff passait presque pour une doyenne samedi 3 juin sur le court Suzanne-Lenglen, comparée à son adversaire du troisième tour, Mirra Andreeva, de trois ans sa cadette. L’Américaine dispute déjà son cinquième Roland-Garros quand la Russe, sortie des qualifications, fait sa première apparition dans le tableau principal d’un tournoi du Grand Chelem. A 16 ans, la 143e mondiale – encore 312e il y a moins de deux mois – faisait même son baptême sur un grand court, reléguée jusqu’ici sur des annexes.

Le « choc de la jeunesse » n’aura duré qu’un set : la sixième joueuse mondiale a montré le fossé qui sépare encore les deux joueuses, renvoyant la nouvelle pépite du circuit féminin à ses chères études, vaincue en trois manches (6-7, 6-1, 6-1). Mais la leçon de maturité donnée par l’Américaine ne fut pas que sportive, elle le fut aussi l’attitude. Tout au long du match, la sérénité affichée par Gauff, y compris quand elle abandonna le premier set, contrasta avec la nervosité ostensible d’Andreeva, qui a bien failli être renvoyée plus tôt aux vestiaires.

Sur une deuxième balle de set manquée dans le jeu décisif, la Russe expédia une balle de rage dans les premiers rangs du public du Lenglen. Un geste qui aurait pu – dû ? – lui coûter une élimination, mais l’arbitre de chaise se montra indulgent avec l’adolescente, qui en fut quitte pour un avertissement, avant d’arracher le set. Elle n’en reçut pas un deuxième au moment de jeter sa raquette au sol au début de la deuxième manche, dans un nouvel accès de frustration.

« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités »

Depuis son arrivée à Paris, la prodige qui s’entraîne en France depuis début 2022 dans l’académie de Jean-René Lisnard (ancien 84e mondial), à Cannes, avait jusque-là montré une maturité désarmante : cinq matchs (dont trois en qualifications) sans lâcher le moindre set. De son propre aveu, la Française Diane Parry s’était fait « marcher dessus tout le match », lors de son deuxième tour face à la numéro un mondiale junior, jeudi (6-1, 6-2). « Tout est mature chez elle, sa mentalité, son comportement, son jeu, c’est extrêmement solide », disait alors la droitière de 20 ans au revers à une main.

Samedi, la Russe a finalement montré tout le chemin qui lui reste à faire pour se montrer aussi exemplaire que Cori Gauff, modèle en la matière. Après sa victoire au premier tour le 30 mai face à l’Espagnole Rebeka Masarova, l’Américaine citait Spiderman comme son héros préféré.

« Sa devise, c’est : “Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.” Quels sont vos pouvoirs et vos responsabilités ? », l’interrogea un journaliste après son deuxième tour. « Pour les pouvoirs, sur le terrain, je dirais ma mentalité, c’est quelque chose que j’ai depuis très jeune », répondit-elle. « Pour les responsabilités… Faire de mon mieux sur le court ? En dehors, je suis assez consciente de ma place dans le sport et les médias et je ne le prends pas pour acquis. Et c’est parce que je considère ma position privilégiée que je me sens la responsabilité de faire entendre ma voix sur toutes ces causes », a complété la jeune femme, qui s’est notamment impliquée contre le racisme et les violences policières après la mort de George Floyd.

Finaliste malheureuse l’an passé face à la Polonaise Iga Swiatek, Cori Gauff a longtemps ruminé ce match où elle n’a jamais existé (6-1, 6-3). « Pendant une ou deux semaines, je me répétais que je n’aurais pas pu faire pire, s’épanchait-elle mardi. Je suis la première à me critiquer. Il fallait que j’apprenne à parler de moi de façon plus positive et je continue aujourd’hui à travailler sur ça. Désormais, je m’oblige à cesser de m’autoflageller à chaque fois que je perds. »

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Patrick Mouratoglou et ses deux poulains

Samedi, face à Andreeva, elle délivra une master class en la matière, sans jamais paniquer les trois fois où elle concéda sa mise en jeu au début du match, servant même à 5-4 pour le gain de la première manche, que sa cadette arracha sur le fil au tie-break. Chaque fois qu’elle se sortait d’une situation délicate, l’Américaine serrait le poing à coups de « come on » rageurs quand son adversaire parut jeter l’éponge dès que Gauff la breaka au début du deuxième set. L’aînée se montra entreprenante jusqu’au bout, haussant son niveau de jeu à mesure que le match avançait.

Dans son box, Patrick Mouratoglou, qui la conseille durant cette quinzaine, se disait sans doute que sa présence dans le box n’était pas étrangère au renversement de la marque. L’ancien mentor de Serena Williams a accouru du court Philippe-Chatrier sitôt fini le match de son deuxième poulain, le Danois Holger Rune – qualifié pour les huitièmes après sa victoire face à l’Argentin Genaro Alberto Olivieri (6-4, 6-1, 6-3).

Interrogée en conférence de presse sur le geste coupable de son adversaire envers le public, Gauff ne tira pas à boulets rouges sur Andreeva : « Naturellement, on n’est pas censé balancer une balle en direction du public, mais vous ne vous en souvenez peut-être pas, j’ai cassé une raquette sur le court ici lors de ma défaite en quarts de finale en 2021. Je ne vais pas la blâmer pour son âge, le tennis est un sport frustrant, c’est juste le geste d’une athlète qui ressent de la frustration, cela arrive. » Chez Gauff, la jeunesse n’empêche pas la sagesse.

Source: Le Monde