Les négociations climatiques reprennent, sur fond de crise de crédibilité de la présidence émiratie de la COP28

June 05, 2023
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Ahmed Al-Jaber, ministre de l’industrie émirati et PDG de la compagnie nationale pétrolière Abu Dhabi National Oil Company, est le président de la COP28. A Berlin, le 3 mai 2023. JOHN MACDOUGALL / AP

C’est une session technique, qui se tient chaque année à Bonn, en Allemagne, pour préparer la 28e conférence mondiale sur le climat. Un rendez-vous dont aucune décision politique n’est attendue, puisque ni les chefs d’Etat ni les ministres ne font le déplacement. Mais, cette année, les négociations climatiques intermédiaires, du 5 au 15 juin, en présence des représentants de près de 200 Etats, devraient être particulièrement scrutées. D’abord, parce qu’elles doivent labourer le terrain pour la COP28, une grand-messe cruciale qui aura lieu à Dubaï (Emirats arabes unis) en décembre. Ensuite, parce qu’elles s’ouvrent dans un contexte de fortes tensions et de défiance extrême à l’égard du président de la conférence, Sultan Ahmed Al-Jaber, ministre de l’industrie émirati et PDG de la compagnie nationale pétrolière Abu Dhabi National Oil Company.

Jamais le président d’un groupe pétrolier – ni même celui d’une entreprise – n’avait exercé la responsabilité de chef d’orchestre des négociations climatiques. Une double casquette qui pose question, alors que le réchauffement est principalement causé par la combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). De manière inédite, plus de 130 parlementaires européens et membres du Congrès américain ont appelé à sa démission et à « limiter l’influence » de l’industrie fossile dans les cénacles climatiques, dans une lettre publiée le 23 mai. Près de 2 000 ONG avaient déjà énoncé une requête similaire. « La crédibilité de la présidence et plus largement de la COP est remise en question avec un tel conflit d’intérêts », prévient Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat.

La pilule est d’autant plus difficile à avaler que, dans un monde confronté à la multiplication des catastrophes climatiques, la question de la sortie des énergies fossiles est devenue centrale et devrait dominer les débats de Bonn comme ceux de la COP28. L’an dernier, à la COP27, en Egypte, les pays avaient échoué à s’engager sur cette voie. Plusieurs dizaines d’Etats poussent toujours pour cet objectif, notamment les Européens ou les petites îles, mais les pays pétroliers s’y opposent.

« Deux semaines pour sauver la COP28 »

Début mai, Sultan Al-Jaber a suscité des inquiétudes parmi les observateurs, en défendant un objectif d’« élimination des émissions des énergies fossiles » et non pas des combustibles directement. Une subtilité de langage qui laisse la porte ouverte à la poursuite de leur utilisation à condition de les adosser à des technologies de captage et de stockage du CO 2 – des solutions coûteuses, dont le déploiement à grande échelle reste très incertain.

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Source: Le Monde