Au procès des agresseurs du petit-neveu de Brigitte Macron, le récit d'un acte de " violence complétement gratuite "

June 05, 2023
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Au palais de justice d’Amiens,

Soutiens, journalistes… La salle du palais de justice d’Amiens (Somme) est pleine à craquer ce lundi. De nombreuses personnes n’ont pas de places assises et restent debout pour assister au procès de trois hommes, jugés pour avoir agressé le petit-neveu de Brigitte Macron le 15 mai dernier, devant sa chocolaterie, en marge d’une manifestation non déclarée contre la réforme des retraites. La victime, Jean-Baptiste Trogneux, est absente. Le jeune homme, âgé de 29 ans, a préféré ne pas faire face aux trois prévenus, âgés de 20, 22 et 34 ans, qui comparaissent pour violences en réunion. C’est donc son voisin d’en face, Hervé, 57 ans, qui raconte la scène au tribunal. Ce soir-là, il regardait la télévision lorsqu’une bagarre a éclaté dans la rue. Il a regardé par la fenêtre et vu trois « trois individus qui étaient en train de taper quelqu’un ».

« Ils étaient en train de le massacrer », assure-t-il. Aussitôt, il descend dans la rue et tente « de faire diversion en leur disant que c’étaient des lâches ». Il reconnaît alors la victime, à laquelle s’en prend ce « groupe qui était déterminé ». « Il était carrément sonné, il ne savait plus où il était », poursuit le témoin, assurant avoir « eu peur » pour Jean-Baptiste Trogneux. Au regard des liens de parenté de la victime avec la première dame, l’affaire avait fait grand bruit à l’époque. L’enquête menée tambour battant avait débouché sur l’interpellation de huit suspects. Mais quatre personnes ont été relâchées après leur garde à vue. En outre, une adolescente de 16 ans, également poursuivie, doit être jugée ultérieurement par un juge des enfants.

« Je le touche mais je ne l’abîme pas »

Finalement, seuls trois jeunes hommes, qui avaient été placés en détention provisoire, sont présents ce lundi dans le box des prévenus. Le plus jeune, Florian C., est illettré. Il peine à s’exprimer et à répondre aux questions du président Samuel Grévin. Les comprend-il d’ailleurs ? Déjà condamné pour viol et agression sexuelle, il reconnaît avoir donné « une claque » à la victime. Le petit groupe, explique-t-il, avait positionné des poubelles la boutique de Jean-Baptiste Trogneux, qui est allé à sa rencontre pour les en empêcher. « Il a alors poussé un de nos potes », justifie le prévenu. « Pourquoi avoir bougé les poubelles ? Que faites-vous là ce soir ? » l’interroge le président. Le jeune homme, qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance lorsqu’il avait 12 ans, se mure dans le silence. « Ce n’est pas pour vous embêter », embraye le magistrat qui n’obtiendra pas davantage de précisions.

Yoan L., le plus âgé, est l’homme qui a été « bousculé » par la partie civile. « Je suis tombé par terre et lorsque j’ai voulu riposter, j’ai loupé mon coup. Une personne m’a alors éloigné du groupe », indique cet homme sous curatelle. « Ce collègue-là m’a sauvé la mise, il m’a éloigné du troupeau pour pas que je fasse des dégradations », poursuit-il. Le petit groupe n’avait, dit-il, que pour seul but de « mettre les poubelles devant la porte, c’est tout ». « Je n’ai pas réfléchi, j’ai accompagné les copains. » Pour quelle raison ? « Les chocolats, chez Trogneux, ils les vendent cher. » Mais il jure ne pas avoir frappé le petit-neveu de Brigitte Macron qui l’a « poussé fort ». « Je le touche mais je ne l’abîme pas », reconnaît finalement cet homme déjà condamné pour violence conjugale et menace de mort.

« Je ne l’ai pas touché »

Titulaire d’un CAP maçonnerie, le troisième prévenu, Adrien F., est sans emploi mais prétend être « journaliste indépendant » sur Tik Tok. . « Pourquoi avez-vous été identifié par Monsieur Trogneux comme lui ayant porté un coup ? » demande le président Grévin. « Je ne sais pas comment il a pu dire que c’était moi alors que je ne l’ai pas touché », martèle le prévenu, qui a été condamné dans le passé à deux reprises par un tribunal pour enfants pour avoir commis des violences. Le jeune homme explique même ne pas avoir vu la scène car il regardait sur téléphone l’interview que donnait le président Macron à TF1 « pour poser des questions aux manifestants ».

L’avocat de Jean-Baptiste Trogneux, Me Franck Delahousse, explique que son client, qui a reçu quatre jours d’incapacité totale de travail (ITT), est sorti de chez lui pour « protéger sa boutique, sa compagne et ses enfants » qui habitent au-dessus. Le chocolatier a été « victime d’une violence complètement gratuite ». Son défenseur déplore l’absence d’explications des prévenus et de « mots de compassion pour la victime ». Le petit-neveu de Brigitte Macron, conclut-il, souhaite simplement « ne plus craindre que ce type d’exaction intervienne » et demande « la paix ».

Une agression « gratuite, violente et grave »

« Ce que je crains c’est qu’on se retrouve dans quelques années devant une cour d’assises parce qu’on n’aura pas pu les empêcher de causer des faits plus graves », affirme le procureur Jean-Philippe Vicentini, qui dénonce une agression « gratuite, violente et grave ». « Le mobile est odieux dans ce dossier, l’ambiance était vindicative vis-à-vis du président de la République, on a vu un moyen de passer ses nerfs sur l’établissement et Jean-Baptiste Trogneux », estime-t-il. A l’audience, « j’ai vu des lâches » essayant « d’échapper à leur responsabilité », explique encore le magistrat qui requiert une peine de prison ferme de trois ans et demi, à l’encontre de Yoan, de deux ans et demi à l’encontre de Florian et d’un an et demi à l’encontre d’Adrien.

Avaient-ils « un mobile politique » ? « Celui que je défends n’en a pas la capacité intellectuelle », plaide l’avocate d’Adrien, Me Alice Cordier, soulignant que l’enquête n’avait pas permis déterminer « de façon claire, précise, et non équivoque ce qui s’est passé ». « Est-il l’auteur de violences ? Je n’en ai toujours pas la preuve. »

Après avoir délibéré une petite heure avec les assesseurs, le président Grévin rend sa décision. Adrien est relaxé au bénéfice du doute. Florian C. est condamné à deux ans de prison dont un ferme, et reste en détention. Yoan L. est quant à lui condamné à 30 mois de réclusion, dont 15 ferme. Il est lui aussi maintenu en détention. Devant le tribunal, les soutiens des trois prévenus explosent de joie. « On a gagné ! » crient-ils dans la rue, avant que certains ne partent en courant, poursuivis par des policiers.

Source: 20 Minutes