Les ultrariches contribuent moins à l’impôt, confirme une nouvelle étude

June 06, 2023
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Difficile de choisir un titre plus politique. « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? », s’interrogent quatre économistes de l’Institut des politiques publiques, rattaché à l’Ecole d’économie de Paris, dans une note très attendue publiée mardi 6 juin. Après des mois de débats contradictoires, la conclusion est sans appel : pour les foyers très riches, l’impôt est régressif. Le taux effectif payé par les 0,1 % les plus fortunés diminue à mesure que l’on grimpe dans l’échelle des revenus, passant de 46 % à l’entrée de cette population à 26 % pour les 75 foyers du sommet de la pyramide. Un tableau qui promet de relancer le débat, jamais vraiment refermé, sur la fiscalité du capital des très hauts revenus, dans un contexte de finances publiques tendues et alors que l’exécutif cherche des ressources pour financer la transition écologique.

Ce constat avait déjà été dressé de façon empirique. Mais, pour la première fois, il est étayé par des données issues de l’administration fiscale. Les auteurs de l’étude – Laurent Bach, Antoine Bozio, Arthur Guillouzouic et Clément Malgouyres – ont eu accès en effet à quantité d’informations émanant de Bercy pour mener leurs travaux. Ces données leur ont permis de rapprocher les déclarations fiscales faites par les entreprises de celles de leurs actionnaires, du moins des personnes physiques qui, en France, en détiennent le capital. Les économistes ont ensuite pu construire un « revenu économique » des foyers les plus aisés, plus large que le seul revenu fiscal déclaré au fisc, auquel ils rapportent l’impôt payé.

Les données auxquelles les auteurs ont eu accès datent de 2016 et sont donc antérieures aux réformes d’Emmanuel Macron – suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), mise en place de la « flat tax » sur les revenus du capital, baisse du taux de l’impôt sur les sociétés. Même s’ils conviennent qu’il est « peu probable qu’elles aient augmenté le taux d’impôt effectif », les auteurs n’ont pas pu en étudier les effets. Les données ont en effet été collectées par un centre sécurisé indépendant, chargé de les anonymiser, puis de relier celles des entreprises à celles de leurs actionnaires – « un travail de fourmi », selon les auteurs, qui espèrent néanmoins renouveler l’exercice.

Le « revenu économique » pris en compte

« La feuille d’impôt des plus riches ne reflète pas la totalité des revenus dont ils disposent, expliquent au Monde Laurent Bach et Arthur Guillouzouic. Notre travail a consisté à rajouter à leurs revenus déclarés les bénéfices non distribués des entreprises qu’ils détiennent à plus de 10 %, donc sur lesquelles il existe une forme de contrôle. » Ce « revenu économique » tient ainsi compte de revenus aujourd’hui non comptabilisés, comme les bénéfices non distribués par les entreprises dont les personnes sont actionnaires. Il peut s’agir de bénéfices mis en réserve, ou logés dans des entités à l’étranger – des choix sur lesquels les actionnaires qui contrôlent l’entreprise peuvent peser, estiment les auteurs.

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Source: Le Monde