Etat de droit : la Cour de Luxembourg juge illégale la réforme de la justice polonaise
Dans une décision rendue lundi 5 juin, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) constate que « la réforme de la justice polonaise de décembre 2019 enfreint le droit de l’Union ». Il s’agit d’une victoire pour la Commission, qui a saisi la Cour. Mais cette décision est aussi le symbole de son impuissance à obtenir de la Pologne qu’elle se dote d’une justice indépendante et impartiale. Car, ces dernières années, Bruxelles a fait pression sur Varsovie, sur le plan judiciaire comme financier, pour qu’elle revienne sur sa réforme. Sans succès. Les juges de Luxembourg exigent donc que le gouvernement de Mateusz Morawiecki reprenne sa copie.
« La valeur de l’Etat de droit relève de l’identité même de l’Union », expliquent-ils. Avant de poursuivre : les Etats membres sont tenus à « des obligations juridiquement contraignantes » dont ils « ne peuvent pas s’affranchir en se fondant sur des dispositions ou une jurisprudence internes, y compris d’ordre constitutionnel ». En clair, le droit européen prime sur les droits nationaux.
Depuis 2015 et l’arrivée au pouvoir du parti conservateur nationaliste Droit et justice (PiS), l’UE tente de ramener Varsovie à des pratiques plus vertueuses en matière d’Etat de droit, tout particulièrement sur les sujets de justice. Ainsi, le 14 juillet 2021, la CJUE exigeait la suspension des activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise, clé de voûte du régime de contrôle des magistrats, soumis au politique. Non seulement Varsovie ne s’est pas exécutée, mais le Tribunal constitutionnel polonais, saisi par M. Morawiecki lui-même, jugeait, le 7 octobre 2021, certains articles des traités de l’UE incompatibles avec la Constitution.
« Un jour important »
Dans ce contexte, la Commission est retournée devant les juges de Luxembourg, leur demandant de soumettre Varsovie à des sanctions financières, le temps que le processus législatif aille à son terme. Le 27 octobre 2021, ils condamnaient la Pologne à une astreinte de 1 million d’euros par jour, tant que les activités de la chambre disciplinaire n’auraient pas cessé. Quelques mois plus tard, le 21 avril 2022, alors que Varsovie avait donné certains signes de bonne volonté en prenant des premières mesures, la CJUE ramenait cette somme à 500 000 euros par jour.
Entre le 3 novembre 2021 et le 5 juin, la Pologne aurait dû payer, à ce titre, 556,5 millions d’euros. Comme elle s’y refusait, l’exécutif communautaire a décidé de se payer directement sur les fonds de cohésion qu’il lui réservait dans le cadre du budget de l’UE pour la période 2021-2027. A ce jour, il les a déjà diminués de 360 millions d’euros.
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Source: Le Monde