POINT DE VUE. Élargissement de l’Union européenne : le message de la France
Le récent discours du président de la République à Bratislava, en Slovaquie, marque une étape dans l’approche française de la future Europe. Emmanuel Macron a compris qu’il était important d’envoyer un message clair sur l’élargissement de l’Union européenne aux pays des Balkans occidentaux, à la Moldavie, et surtout à l’Ukraine. Le pas en avant est important. Dans une Union européenne élargie à l’Est depuis vingt ans, l’image d’une France obsédée par la concurrence avec les États-Unis, traînant des pieds devant l’ouverture de négociations avec l’Albanie et la Macédoine du nord et parlant des garanties de sécurité pour la Russie a fait assez de dégâts.
Envoyer un message positif sur l’élargissement de l’Union européenne ne veut surtout pas dire accepter l’arrivée de nouveaux pays sans condition. Les critères concernant le respect de l’État de droit doivent rester les mêmes. Il faut en revanche repenser la méthode en allant vers un élargissement graduel, avec une conditionnalité appliquée à chaque étape pour l’accès aux fonds, mais aussi aux positions institutionnelles (comme, par exemple, la nomination d’un Commissaire européen). Il convient, ensuite, de ne pas déconnecter l’élargissement des réformes institutionnelles au sein de l’Union européenne. Une Union de trente-cinq membres nécessite de revoir la règle de l’unanimité pour l’adoption des décisions, notamment en matière de politique étrangère, mais aussi d’harmonisation fiscale. Actuellement, les sanctions à l’égard de la Russie nécessitent un vote à l’unanimité au Conseil des ministres de l’Union européenne. Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, pourrait parfaitement bloquer chaque vote, ce qu’il n’a jamais osé faire tout en vilipendant les sanctions, voire en contribuant à leur détournement.
Une Europe démocratique
Le message à l’Europe orientale et aux Balkans doit rester celui de l’Europe démocratique. Après le discours d’Emmanuel Macron de Bratislava, un proche de l’opposition polonaise m’écrit depuis Varsovie : « Que veut dire le « Je vous ai compris ! » du président français aux Centre-Européens, alors que le parti au pouvoir en Pologne vient de violer au moins dix articles de la Constitution pour priver le leader de l’opposition Donald Tusk de toute vie publique ? » En effet, il faut continuer à dire aux dirigeants d’Europe centrale et orientale, mais aussi des Balkans, que les pays ne respectant pas la démocratie libérale ne peuvent pas avoir voix au chapitre au sein de l’Union européenne.
Finalement, un débat sur l’élargissement s’impose auprès des opinions publiques des États membres, et notamment des « vieux » États comme la France. On se souvient des anathèmes, lors du référendum de 2005, contre un plombier polonais qui n’existait pas. Une musique pas très différente existe déjà sur le mafieux albanais et kosovar. Il va falloir expliquer que tout ceci est d’un incroyable simplisme à un peuple qui se sent en insécurité permanente. Si on ne le fait pas, les négociations d’adhésion buteront au moment de leur ratification. En France, la Constitution prévoit un référendum obligatoire, sauf si l’Assemblée nationale et le Sénat en décident autrement à la majorité des 3/5èmes, autant dire une condition difficile à atteindre.
Le travail en externe comme en interne à propos de l’élargissement de l’Union européenne commence à peine. La parole présidentielle à Bratislava était importante pour en marquer le vrai début.
Source: Ouest-France